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ont fait à mon avis qu’on a négligé la manière naturelle d’expliquer la conservation de l’âme. Ce qui a fait bien du tort à la religion naturelle, et a fait croire à plusieurs que notre immortalité n’était qu’une grâce miraculeuse de Dieu, dont encore notre célèbre auteur parle avec quelque doute, comme je dirai tantôt. Mais il serait à souhaiter que tous ceux qui sont de ce sentiment en eussent parlé aussi sagement et d’aussi bonne foi que lui, car il est à craindre que plusieurs qui parlent de l’immortalité par grâce ne le font que pour sauver les apparences, et approchent dans le fond de ces Averroïstes et de quelques mauvais Quiétistes qui s’imaginent une absorption et réunion de l’âme à l’océan de la divinité, notion dont peut-être mon système seul fait bien voir l’impossibilité.

Il semble aussi que nous différons encore par rapport à la Matière en ce que l’auteur juge que le vide est nécessaire pour le mouvement, parce qu’il croit que les petites parties de la matière sont raides. J’avoue que si la matière était composée de telles parties, le mouvement dans le plein serait impossible, comme si une chambre était pleine d’une quantité de petits cailloux sans qu’il y eût la moindre place vide. Mais on n’accorde point cette supposition, dont il ne paraît pas aussi qu’il y ait aucune raison, quoique cet habile auteur aille jusqu’à croire que la raideur ou la cohésion des petites parties fait l’essence du corps. Il faut plutôt concevoir l’espace comme plein d’une matière originairement fluide, susceptible de toutes les divisions et assujettie même actuellement à des divisions et subdivisions à l’infini, mais avec cette différence pourtant, qu’elle est divisible et divisée inégalement en différents endroits à cause des mouvements qui y sont déjà plus ou moins conspirants. Ce qui fait qu’elle a partout un degré de raideur aussi bien que de fluidité et qu’il n’y a aucun corps qui soit dur ou fluide au suprême degré, c’est-à-dire qu’on n’y trouve aucun atome d’une dureté insurmontable ni aucune masse entièrement indifférente à la division. Aussi l’ordre de la nature et particulièrement la loi de la continuité détruit également l’un et l’autre.

J’ai fait voir aussi que la cohésion qui ne serait pas elle-même l’effet de l’impulsion ou du mouvement causerait une traction prise à la rigueur. Car s’il y avait un corps originairement raide,