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les compositions pour marquer l’eau, comme lorsque Schwarzach signifie eau noire, Biberach, eau des castors. Et au lieu de Wiser ou Weser on disait Wiseraha dans les vieux titres, et Wisurach chez les anciens habitants, dont les Latins ont fait Visurgis, comme d’Iler, Ilerach, ils ont fait Ilargus. D’aqua, aigues, auue, les Français ont enfin fait eau, qu’ils prononcent oo, où il ne reste plus rien de l’origine. Auwe, Auge chez les Germains est aujourd’hui un lieu que l’eau inonde souvent, propre aux pâturages, locus irriguas, pascuus ; mais plus particulièrement il signifie une île comme dans le nom du monastère de Reichenau (Augia dives) et bien d’autres. Et cela doit avoir eu lieu chez beaucoup de peuples teutoniques et celtiques, car de là est venu que tout ce qui est comme isolé dans une espèce de plaine a été nommé Auge ou Ooge, oculus. C’est ainsi qu’on appelle des taches d’huile sur de l’eau chez les Allemands ; et chez les Espagnols ojo est un trou. Mais Auge, ooge, oculus, occhio, etc., a été appliqué plus particulièrement à l’mil comme par excellence, qui fait ce trou isolé éclatant dans le visage : et sans doute le français œil en vient aussi, mais l’origine n’en est point reconnaissable du tout, à moins qu’on n’aille par l’enchaînement que je viens de donner ; et il paraît que l’Sµµa et à4ns des Grecs vient de la même source. Oe ou Oeland est une île chez les Septentrionaux, et il y en a quelque trace dans l’hébreu, où Ai est une île. M. Bochart154 a cru que les Phéniciens en avaient tiré le nom qu’il croit qu’ils avaient donné à la mer Égée, pleine d’îles. Augere, augmentation, vient encore d’aune ou auge, c’est-à-dire de l’effusion des eaux ; comme aussi ooken, auken en vieux saxon, était augmenter, et l’augustus en parlant de l’empereur était traduit par ooker. La rivière de Brunswick, qui vient des montagnes du Hartz, et par conséquent est fort sujette à des accroissements subits, s’appelle Ocker, et Ouacra autrefois. Et je dis en passant que les noms des rivières, étant ordinairement venus de la plus grande antiquité connue, marquent le mieux le vieux langage et les anciens habitants, c’est pourquoi ils mériteraient une recherche particulière. Et les langues en général étant les plus anciens monuments des peuples, avant l’écriture et les arts, en marquent le mieux l’origine des cognations et migrations. C’est pourquoi les étymologies bien entendues seraient curieuses et de conséquence, mais il faut joindre des langues de plusieurs peuples, et ne point faire trop de sauts d’une nation à