Page:Leibniz - Nouveaux Essais sur l’entendement humain, 1921.djvu/234

Cette page n’a pas encore été corrigée

lesquels elles se trouvent sous-entendues et renfermés virtuellement.


§ 1. Philalèthe. Maintenant, les mots étant employés par les hommes pour être signes de leurs idées, on peut demander d’abord comment ces mots y ont été déterminés ; et l’on convient que c’est non par aucune connexion naturelle qu’il y ait entre certains sons articulés et certaines idées (car en ce cas il n’y aurait qu’une langue parmi les hommes), mais par une institution arbitraire en vertu de laquelle un tel mot a été volontairement le signe d’une telle idée.

Théophile. Je sais qu’on a coutume de dire dans les écoles et partout ailleurs que les significations des mots sont arbitraires (ex instituto) et il est vrai qu’elles ne sont point déterminées par une nécessité naturelle, mais elles ne laissent pas de l’être par des raisons tantôt naturelles, où le hasard a quelque part, tantôt morales, où il y entre du choix. Il y a peut-être quelques langues artificielles qui sont toutes de choix et entièrement arbitraires, comme l’on croit que l’a été celle de la Chine, ou comme le sont celles de Georgius Dalgarnus’4` et de feu M. Wilkins "Z, évêque de Chester. Mais celles qu’on sait avoir été forgées des langues déjà connues sont de choix mêlé avec ce qu’il y a de la nature et du hasard dans les langues qu’elles supposent. Il en est ainsi de celles que les voleurs ont forgées pour n’être entendus que de ceux de leur bande, ce que les Allemands appellent Rothwelsch, les Italiens lingua zerga, les Français le narquois"’, mais qu’ils forment ordinairement sur les langues ordinaires qui leur sont connues, soit en changeant la signification reçue des mots par des métaphores, soit en faisant des nouveaux mots par une composition ou dérivation à leur mode. Il se forme aussi des langues par le commerce des différents peuples, soit en mêlant indifféremment des langues voisines, soit, comme il arrive le plus souvent, en prenant