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ne soient non plus dans la neige que la douleur, cependant leurs idées sont en nous les effets des puissances attachées aux choses extérieures, et ces effets constants nous servent autant à distinguer les choses que si c’étaient des images exactes de ce qui existe dans les choses mêmes.

Théophile. J’ai examiné ce point ci-dessus : mais il paraît par là qu’on ne demande point toujours une conformité avec un archétype ; et suivant l’opinion (que je n’approuve pourtant pas) de ceux qui conçoivent que Dieu nous a assigné arbitraitement des idées, destinées à marquer les qualités des objets, sans qu’il y ait de la ressemblance ni même de rapport naturel, il y aurait aussi peu de conformité en cela entre nos idées et les archétypes qu’il y en a entre des mots dont on se sert par institution dans les langues et les idée ou les choses mêmes.

§ 3. Philalèthe. L’esprit est passif à l’égard de ses idées simples, mais la combinaison qu’il en fait pour former des idées composées, où plusieurs simples sont comprises sous un même nom, ont quelque chose de volontaire : car l’un admet dans l’idée complexe qu’il a de l’or ou de la justice, des idées simples, que l’autre n’y admet point.

Théophile. L’esprit est encore actif à l’égard des idées simples, quand il les détache les unes des autres pour les considérer séparément. Ce qui est volontaire aussi bien que la combinaison de plusieurs idées, soit qu’il la fasse pour donner attention à une idée composée qui en résulte soit qu’il ait dessein de les comprendre sous le nom donné à la combinaison. Et l’esprit ne saurait s’y tromper, pourvu qu’il ne joigne point des idées incompatibles, et pourvu que ce nom soit encore vierge pour ainsi dire, c’est-à-dire que déjà on n’y ait point attaché quelque notion, qui pourrait causer un mélange avec celle qu’on y attache de nouveau, et faire naître ou des notions impossibles, en joignant ce qui ne peut avoir lieu ensemble, ou des notions superflues et qui contiennent quelque obreption, en joignant les idées dont l’une peut et doit être dérivée de l’autre par démonstration.

§ 4. Philalèthe. Les modes mixtes et les relations n’ayant point d’autre réalité que celle qu’ils ont dans l’esprit des hommes, tout ce qui est requis pour faire que ces sortes d’idées soient réelles est la possibilité d’exister ou de compatir ensemble.

Théophile. Les relations ont une réalité dépendante de l’esprit comme les vérités ; mais non pas de l’esprit des hommes, puisqu’il y a une suprême intelligence qui les détermine toutes de tout temps. Les modes mixtes, qui