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L’Essai sur l’Entendement, donné par un illustre Anglais, étant un des plus beaux et des plus estimés ouvrages de ce temps, j’ai pris la résolution d’y faire des remarques, parce qu’ayant assez médité depuis longtemps sur le même sujet et sur la plupart des matières qui y sont touchées, j’ai cru que ce serait une bonne occasion d’en faire paraître quelque chose sous le titre de Nouveaux Essais sur l’Entendement et de procurer une entrée favorable à mes pensées, en les mettant en si bonne compagnie. J’ai cru encore pouvoir profiter du travail d’autrui non seulement pour diminuer le mien (puisque en effet il y a moins de peine à suivre le fil d’un bon auteur qu’à travailler à nouveaux frais en tout), mais encore pour ajouter quelque chose à ce qu’il nous a donné, ce qui est toujours plus facile que de commencer. Il est vrai que je suis souvent d’un autre avis que lui, mais bien loin de disconvenir du mérite de cet écrivain célèbre, je lui rend témoignage en faisant connaître en quoi et pourquoi je m’éloigne de son sentiment, quand je juge nécessaire d’empêcher que son autorité ne prévale sur la raison en quelques points de conséquence.

En effet, quoique l’auteur de l’Essai dise mille belles choses où j’applaudis, nos systèmes diffèrent beaucoup. Le sien a plus de rapport à Aristote, et le mien à Platon, quoique nous nous éloignions en bien des choses l’un et l’autre de la doctrine de ces deux anciens. Il est plus populaire, et moi je suis forcé quelquefois d’être un peu plus acroamatique et plus abstrait, ce qui n’est pas un avantage pour moi, surtout écrivant dans une langue vivante. Je crois cependant qu’en faisant parler deux personnes dont l’une expose les sentiments tirés de l’Essai de cet auteur,