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128 NOUVEAUX ESSAIS sance de commencer ou de ne pas commencer, de conti- nuer ou de terminer plusieurs actions de notre âme et plusieurs mouvements de notre corps ; et cela simple- ment par une pensée ou un choix de notre esprit, qui détermine et commande pour ainsi dire qu’une telle action particulière soit faite ou ne soit pas faite : cette puissance est ce que nous appelons volonté. L’usage actuel de cette puissance se nomme volition ; la cessation ou la production de l’action, qui suit d’un tel commandement de l’àme, s’appelle volontaire, et toute action qui est faite sans une telle direction de l’àme se nomme involontaire. Théophile. Je trouve tout cela fort bon et juste ; cepen- dant, pour parler plus rondement et pour aller peut-être plus avant, je dirai que la volition est l’effort ou la ten- dance [conatus] d’aller vers ce qu’on trouve bon, et loin de ce qu’on trouve mauvais ; en sorte que cette tendance résulte immédiatement de l’aperception qu’on en a ; et le corollaire de cette définition est cet axiome célèbre : que du vouloir et du pouvoir, joints ensemhle, suit l’action, puisque de toute tendance suit l’action lorsqu’elle n’est point empêchée. Ainsi, non seulement les actions inté- rieures volontaires de notre esprit suivent de ce conatus, mais encore les extérieures, c’est-à-dire les mouvements volontaires de notre corps, en vertu de l’union de l’àme et du corps, dont j’ai donné ailleurs la raison. Il y a encore des efforts, qui résultent des perceptions insen- sibles, dont on ne s’aperçoit pas, que j’aime mieux appeler appétitions que volitions (quoiqu’il y ait aussi des appétitions aperceptibles) ; car on n’appelle actions volon- taires que celles dont on peut s’apercevoir, et sur les- quelles notre rétlexion peut tomber lorsqu’elles suivent la considération du bien ou du mal. Philalèthe. La puissance d’apercevoir est ce que nous appelons entendement ■ il y a la perception des idées, la perception de la signification des signes, et enfin la perception de la convenance ou de la disconvenance qu’il y a entre quelques-unes de nos idées. Théophile. Nous nous apercevons de bien des choses en nous et hors de nous que nous n’entendons pas, et nous les entendons quand nous en avons des idées distinctes avec le pouvoir de réfléchir et d’en tirer des vérités nécessaires. C’est pourquoi les bêtes n’ont point d’enten- dement, au moins dans ce sens, quoiqu’elles aient la faculté de s’apercevoir des impressions plus remarquables et plus distinguées ; comme le sanglier s’aperçoit d’une personne qui lui crie, et va droit à cette personne dont il n’avait eu déjà auparavant qu’une perception nue mais