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ceux des objets, suivant ce que j’ai dit ci-dessus (chap. 9, § 13) et n’en diffèrent qu’en apparence et parce que nous ne nous apercevons pas de cette analyse : au lieu que plusieurs croient aujourd’hui que nos idées des qualités sensibles diffèrent toto genere des mouvements et de ce qui se passe dans les objets, et sont quelque chose de primitif et d’inexplicable, et même d’arbitraire, comme si Dieu faisait sentir à l’âme ce que bon lui semble, au lieu de ce qui se passe dans le corps, ce qui est bien éloigné de l’analyse véritable de nos idées. Mais pour revenir à l’inquiétude, c’est-à-dire aux petites sollicitations imperceptibles qui nous tiennent toujours en haleine, ce sont des déterminations confuses, en sorte que souvent nous ne savons pas ce qui nous manque, au lieu que dans les inclinations et passions nous savons au moins ce que nous demandons, quoique les perceptions confuses entrent aussi dans leur manière d’agir, et que les mêmes passions causent aussi cette inquiétude ou démangeaison. Ces impulsions sont comme autant de petits ressorts qui tâchent de se débander et qui font agir notre machine. Et j’ai déjà remarqué ci-dessus que c’est par là que nous ne sommes jamais indifférents, lorsque nous paraissons l’être le plus, par exemple de nous tourner à droite plutôt qu’à gauche au bout d’une allée. Car le parti que nous prenons vient de ces déterminations insensibles, mêlées des actions des objets et de l’intérieur du corps, qui nous fait trouver plus à notre aise dans l’une que dans l’autre manière de nous remuer. On appelle Unruhe en allemand, c’est-à-dire inquiétude, le balancier d’une horloge. On peut dire qu’il en est de même de notre corps, qui ne saurait jamais être parfaitement à son aise : parce que quand il le serait, une nouvelle impression des objets, un petit changement dans les organes, dans les vases et dans les viscères changera d’abord la balance et les fera faire quelque petit effort pour se remettre dans le meilleur état qu’il se peut ; ce qui produit un combat perpétuel qui fait pour ainsi dire l’inquiétude de notre horloge, de sorte que cette appellation est assez à mon gré.

§ 6. Philalèthe. La joie est un plaisir que l’âme ressent lorsqu’elle considère la possession d’un bien présent ou futur comme assurée, et nous sommes en possession d’un bien lorsqu’il est de telle sorte en notre pouvoir que nous en pouvons jouir quand nous voulons.

Théophile. On manque dans les langues de termes assez propres pour distinguer des notions voisines. Peut-être que le latin gaudium approche davantage de cette