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autre d’un blanc égal ou moins vif (car je ne saurais y joindre l’idée d’un plus blanc que celui dont j’ai l’idée, que je suppose le plus éclatant que je conçoive actuellement), cela n’augmente ni n’étend mon idée en aucune manière ; c’est pourquoi on nomme degrés les différentes idées de blancheur.

Théophile. Je n’entends pas bien la force de ce raisonnement, car rien n’empêche qu’on ne puisse recevoir la perception d’une blancheur plus éclatante que celle qu’on conçoit actuellement. La vraie raison pour quoi on a sujet de croire que la blancheur ne saurait être augmentée à l’infini, c’est parce que ce n’est pas une qualité originale ; les sens n’en donnent qu’une connaissance confuse ; et quand on en aura une distincte, on verra qu’elle vient de la structure, et se borne sur celle de l’organe de la vue. Mais à l’égard des qualités originales ou connaissables distinctement, on voit qu’il y a quelquefois moyen d’aller à l’infini, non seulement là où il y a extension ou si vous voulez d i f f u s i o n ou ce que l’école appelle partes extra partes, comme dans le temps et dans le lieu, mais encore où il y a intension ou degrés, par exemple à l’égard de la vitesse.

§ 8. Philalèthe. Nous n’avons pas l’idée d’un espace infini, et rien n’est plus sensible que l’absurdité d’une idée actuelle d’un nombre infini.

Théophile. Je suis du même avis. Mais ce n’est pas parce qu’on ne saurait avoir l’idée de l’infini, mais parce qu’un infini ne saurait être un vrai tout.

§ 16. Philalèthe. Par la même raison nous n’avons donc point d’idée positive d’une durée infinie ou de l’éternité, non plus que de l’immensité.

Théophile. Je crois que nous avons l’idée positive de l’une et de l’autre et cette idée sera vraie, pourvu qu’on n’y conçoive point comme un tout infini, mais comme un absolu ou attribut sans bornes qui se trouve à l’égard de l’éternité, dans la nécessité de l’existence de Dieu, sans y dépendre de parties et sans qu’on en forme la notion par une addition des temps. On voit encore par là, comme j’ai dit déjà, que l’origine de la notion de l’infini vient de la même source que celle des vérités nécessaires.

Philalèthe. Il y a encore beaucoup de modes simples,