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autres que dans l’étendue, où on ne peut point observer ou mesurer chaque égalité et chaque excès de grandeur aussi aisément que dans les nombres, par la raison que dans l’espace nous ne saurions arriver par la pensée à une certaine petitesse déterminée au-delà de laquelle nous ne puissions aller, telle qu’est l’unité dans le nombre.

Théophile. Cela se doit entendre du nombre entier. Car autrement le nombre dans sa latitude, comprenant le rompu, le sourd, le transcendant et tout ce qui se peut prendre entre deux nombres entiers, est proportionnel à la ligne, et il y a là aussi peu de minimum que dans le continu. Aussi cette définition, que le nombre est une multitude d’unités, n’a lieu que dans les entiers. La distinction précise des idées dans l’étendue ne consiste pas dans la grandeur : car pour reconnaître distinctement la grandeur, il faut recourir aux nombres entiers, ou aux autres connus par le moyen des entiers, ainsi de la quantité continue il faut recourir à la quantité discrète pour avoir une connaissance distincte de la grandeur. Ainsi les modifications de l’étendue, lorsqu’on ne se sert point des nombres, ne peuvent être distinguées par la figure, prenant ce mot si généralement qu’il signifie tout ce qui fait que deux étendus ne sont pas semblables l’un à l’autre.

§ 5. Philalèthe. En répétant l’idée de l’unité et la joignant à une autre unité, nous en faisons une idée collective que nous nommons deux. Et quiconque peut faire cela et avancer toujours d’un de plus à la dernière idée collective, à laquelle il donne un nom particulier, peut compter, tandis qu’il a une suite de noms et assez de mémoire pour la retenir.

Théophile. Par cette manière seule on ne saurait aller loin. Car la mémoire serait trop chargée s’il fallait retenir un nom tout à fait nouveau pour chaque addition d’une nouvelle unité. C’est pourquoi il faut un certain ordre et une certaine réplication dans ces noms, en recommençant suivant une certaine progression.

Philalèthe. Les différents modes des nombres ne sont capables d’aucune autre différence que du plus ou du moins ; c’est pourquoi ce sont des modes simples comme ceux de l’étendue.

Théophile. Cela se peut dire du temps et de la ligne droite, mais nullement des figures, et encore moins des nombres, qui sont non seulement différents en grandeur, mais encore dissemblables. Un nombre pair peut être partagé en deux également et non pas un impair. Trois et