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ou accident, je répondrai sans hésiter que je n’en sais rien.

Théophile. J’ai sujet de craindre qu’on ne m’accuse de vanité en voulant déterminer ce que vous avouez, Monsieur, de ne point savoir. Mais il y a lieu de juger que vous en savez plus que vous ne dites et que vous ne croyez. Quelques-uns ont cru que Dieu est le lieu des choses. Lessius $’et M. Guerike, si je ne me trompe, étaient de ce sentiment, mais alors le lieu contient quelque chose de plus que ce que nous attribuons à l’espace, que nous dépouillons de toute action : et de cette manière, il n’est pas plus une substance que le temps et s’il a des parties, il ne saurait être Dieu. C’est un rapport, un ordre, non seulement entre les existants, mais encore entre les possibles comme s’ils existaient. Mais sa vérité et réalité est fondée en Dieu, comme toutes les vérités éternelles.

Philalèthe. Je ne suis point éloigné de votre sentiment, et vous savez le passage de saint Paul qui dit que nous existons, quc nous vivons et que nous avons le mouvement en Dieu 88. Ainsi, selon les différentes manières de considérer, on peut dire que l’espace esi Dieu, et on peut dire aussi qu’il n’est qu’un ordre ou une relation

Théophile. Le meilleur sera donc de dire que l’espace est un ordre, mais que Dieu en est la source.

§ 18. Philalèthe. Cependant, pour savoir si l’espace est une substance, il faudrait savoir en quoi consiste la nature de la substance en général. Sur quoi il y a de la difficulté. Si Dieu, les esprits finis et les corps participent en commun à une même nature de substance, ne s’ensuivra-t-il pas qu’ils ne diffèrent que par la différente modification di cette substance ?

Théophile. Si cette conséquence avait lieu, il s’ensuivrait aussi que Dieu, les esprits finis et les corps, participant en commun à une même nature d’être, ne différeraient que par la différente modification de cet être.

§ 19. Philalèthe. Ceux qui les premiers se sont avisés de regarder les accidents comme une espèce d’êtres réels, qui ont besoin dt quelque chose à quoi ils soient attachés, ont été contraints d’inventer le moi de substance pour servir de soutien aux accidents.

Théophile. Croyez-vous donc, Monsieur, que les accidents peuvent subsister hors de la substance ou voulez-vous qu’ils ne soient point des êtres réels ? Il semble que vous vous