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souvenir vivant de la profonde révolution que ces enseignements divers produisirent dans son esprit.

La contradiction de la vieille philosophie et de la philosophie nouvelle, du formalisme des anciens, plus ou moins heureusement modifié par les docteurs de l’école, et du mécanisme cartésien ou, comme il l’appelle, de la philosophie corpusculaire plonge l’esprit du pénétrant étudiant dans les plus sérieuses perplexités. « Je me souviens que je me promenais seul dans un bocage auprès de Leipzig, appelé le Rosenthal, à l’âge de 15 ans, pour délibérer si je garderais les formes substantielles (c’est-à-dire les principes péripatéticiens). Enfin le mécanisme prévalut et me porta à m’appliquer aux mathématiques[1]. »

Leibniz se livre avec passion à l’étude des œuvres de Bacon, de Kepler, de Galilée, de Descartes ; et la séduction de ces grandes nouveautés et des éclatantes expériences qui les confirmaient de jour en jour le jettent momentanément dans les bras de Démocrite.

Mais les leçons et l’exemple de Thomasius et de nouvelles et plus profondes méditations ne tardent pas à l’en détacher. « Quand j’étais jeune garçon, » dira-t-il vers la fin de sa vie dans sa correspondance avec Clarke, « je donnai aussi dans le vide et dans les atomes ; mais la raison me ramena. L’imagination était riante. On borne là ses recherches : on fixe sa méditation comme avec un clou ; on croit avoir trouvé les premiers éléments, un non plus ultra. Nous voudrions que la nature n’allât pas plus loin, qu’elle fût finie comme notre esprit ; mais ce n’est point connaître la grandeur et la majesté de l’auteur des choses[2]. »

Dès cette époque, sa pensée est dominée par le problème dont la solution nous donne la clé de toute sa philosophie. Il poursuit le moyen de concilier la philosophie de Descartes

  1. Erdmann, p. 702.
  2. Ibid., p. 758.