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l’autorité d’une doctrine. La méditation du philosophe n’enlève rien chez lui à la curiosité du savant. La divination merveilleuse de son heureux génie l’engage dans toutes les voies où la science de l’avenir doit rencontrer ses plus brillants succès. Leibniz est par là plus près de notre temps qu’aucun de ses illustres contemporains. À notre siècle, épris de la science, nulle doctrine philosophique ne saurait être présentée qui soit plus jalouse des droits, plus pénétrée du rôle, plus confiante dans les promesses de la science que celle de Leibniz. Pour faire cesser le divorce qui sépare, depuis trop longtemps, les savants et les philosophes, il est bon de rappeler aux uns et aux autres l’exemple instructif de Leibniz.

Ce n’est pas à un simple exercice, ni à la satisfaction d’une curiosité rétrospective que la Monadologie nous convie. La métaphysique de Leibniz est aujourd’hui la plus vivante de toutes celles que le passé nous a léguées. Si les esprits qui sont demeurés plus fidèles peut-être à la lettre qu’au sens de la doctrine de Kant s’interdisent scrupuleusement toute hypothèse métaphysique, ceux qui ne se résignent pas à faire ainsi violence aux impérieux instincts de l’intelligence, et le nombre en est beaucoup plus grand qu’on ne pense, aussi bien parmi les savants que parmi les philosophes contemporains, ceux-là semblent d’accord pour chercher dans la Monadologie ces vérités d’un ordre supérieur, et à tout le moins d’une nature spéciale, que la science a le droit d’ignorer, mais que réclament invinciblement les besoins moraux et esthétiques de l’âme humaine.

Nous inspirant de l’esprit même de Leibniz et « prenant le meilleur de tous côtés[1] » dans ses écrits, comme il aimait à

  1. Nouveaux Essais , chap. I.