Page:Leibniz - La Monadologie, éd. Bertrand, 1886.djvu/85

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

lorsqu’on s’est aperçu par des recherches exactes faites sur les plantes, les insectes et les animaux, que les corps organiques ne sont jamais produits d’un Chaos ou d’une putréfaction ; mais toujours par des semences, dans lesquelles il y avait sans doute quelque préformation ; on a jugé, que non seulement le corps organique y était déjà avant la conception, mais encore une Âme dans ce corps et en un mot l’animal même ; et que par le moyen de la conception cet animal a été seulement disposé à une grande transformation pour devenir un animal d’une autre espèce. On voit même quelque chose d’approchant hors de la génération, comme lorsque les vers deviennent mouches, et que les chenilles deviennent papillons (§§86, 89 ; Préf. *** 5 b, sqq ; §§90, 187, 188, 403 ; 86, 397).

75[1]. Les animaux, dont quelques-uns sont élevés au degré de plus grands animaux, par le moyen de la conception, peuvent être appelés spermatiques ; mais ceux d’entre eux, qui demeurent dans leur Espèce, c’est-à-dire, la plupart, naissent, se multiplient, et sont détruits comme les grands animaux, et il n’y a qu’un petit nombre d’Élus, qui passe à un plus grand théâtre.


    le monde, ils croient que cette création arrive tous les jours quand le moindre vers est engendré. » (Lettre à Arnauld, éd. Janet, p. 673.) On sait que la théorie de la préformation ou de l’emboîtement des germes est aujourd’hui abandonnée. En revanche, les beaux travaux de M. Pasteur ont démontré qu’il n’y a jamais eu de génération spontanée, et que jusqu’ici tous les êtres qu’on a vus naître sont sortis non « d’un chaos ou d’une putréfaction » mais de semences ou de germes préexistants et partout répandus, même dans l’atmosphère et l’air qui semble le plus pur. On sait aussi que la médecine tend de plus en plus à expliquer par ces germes ou microbes la plupart des maladies.

  1. Il n’y a qu’un petit nombre d’êtres. — L’élection dont il s’agit ici, c’est le développement de la semence, du germe, du microbe et le passage de l’animalcule « sur un plus grand théâtre. » Il devient à son tour monade dominante et se subordonne d’autres monades en vertu même de la perfection qui est en lui. Il se les subordonne mais ne se les agrège pas et ne perd rien de sa parfaite unité et simplicité. La vie est essentiellement indivisible : « Quoiqu’il se puisse qu’une âme ait un corps composé de parties animées par ces âmes à part, l’âme ou forme du tout n’est pas pour cela composée des âmes ou formes des parties. Pour ce qui est d’un insecte qu’on coupe, il n’est pas nécessaire que les deux parties demeurent animées quoiqu’il leur reste quelque mouvement. Au moins l’âme de l’insecte entier ne demeurera que d’un seul côté, et comme dans la formation et l’accroissement de l’insecte, l’âme y était dès le commencement dans une certaine partie déjà vivante, elle restera aussi, après la destruction de l’insecte, dans une certaine partie encore vivante, qui sera toujours aussi petite qu’il le faut, pour être à couvert de l’action de celui qui déchire ou dissipe le corps de cet insecte, sans qu’il soit besoin de s’imaginer avec les Juifs un petit os d’une dureté insurmontable où l’âme se sauve. » (Lettre à Arnauld. éd. Janet, p. 638.)