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dans les idées de Dieu, et qu’il n’en peut exister qu’un seul ; il faut qu’il y ait une raison suffisante du choix de Dieu, qui le détermine à l’un plutôt qu’à l’autre (§§ 8, 10, 44, 173, 196, sqq. ; 225, 414-415).

54[1]. Et cette raison ne peut se trouver que dans la convenance, ou dans les degrés de perfection que ces Mondes contiennent ; chaque possible ayant droit de prétendre à l’Existence à mesure de la perfection qu’il enveloppe (§§ 74, 167, 350, 201, 130, 352, 345, sqq., 354).

55[2]. Et c’est ce qui est la cause de l’Existence du meilleur, que la sagesse fait connaître à Dieu, que sa bonté le

    pensée du néant serait un néant de pensée. Dans chacun de ces mondes, Théodore découvre un Sextus, et tous ces Sextus valent mieux que le Sextus réel : néanmoins, comme notre monde est au sommet, il fallait bien que Dion le choisit. En lui seulement, il trouvait une raison suffisante de son choix. Il veut donc antécédemment le bien et ne réalise que conséquemment le mal. « Si Jupiter avait pris ici un Sextus heureux à Corinthe ou roi en Thrace, ce ne serait plus ce monde. Et cependant, il ne pouvait manquer de choisir ce monde, qui surpasse en perfection tous les autres, qui fait la pointe de la pyramide : autrement Jupiter aurait renoncé à sa sagesse, il m’aurait bannie, moi qui suis sa fille ! Vous voyez que mon père n’a point fait Sextus méchant ; il l’était de toute éternité, il l’était toujours librement : il n’a fait que lui accorder l’existence que sa sagesse ne pouvait refuser au monde où il est compris : il l’a fait passer de la région des possibles à celle des Êtres actuels.

  1. La convenance. — Leibniz distingue la nécessité morale ou de convenance de la nécessité physique et métaphysique : « Ceux qui reconnaissent que Dieu produit le meilleur plan, qu’il a choisi entre toutes les idées possibles de l’univers ; qu’il y trouve l’homme porté par l’imperfection originale des créatures à abuser de son libre arbitre et à se plonger dans la misère ; que Dieu empêche le péché et la misère, autant que la perfection de l’univers, qui est un écoulement de la sienne, le peut permettre, ceux-là, dis-je, font voir plus distinctement que l’intention de Dieu est la plus droite et la plus sainte du monde, que la créature seule est coupable, que sa limitation ou imperfection est la source de sa malice, que sa mauvaise volonté est la seule cause de sa misère… » Il y a d’autres philosophes qui se trompent parce qu’ils abusent des termes. Ils confondent la nécessité morale avec la nécessité métaphysique : ils s’imaginent que Dieu ne pouvant point manquer de faire le mieux, cela lui ôte la liberté… » (Théod., § 167-168.)
  2. La cause de l’existence du meilleur. — Tout l’optimisme de Leibniz est contenu dans cet important paragraphe. Il est essentiellement, a priori, fondé non sur l’observation des faits (qu’on essayera ensuite de concilier, tant bien que mal avec l’optimisme), mais sur la sagesse (connaissance), la bonté (choix) et la puissance (réalisation) de Dieu. Au fond, toute doctrine optimiste ou pessimiste est nécessairement a priori : 1° parce que l’expérience individuelle ou même collective, mille fois interrogée, n’a donné et ne peut donner que des conclusions contradictoires ; 2° parce que nos idées a priori sont le nerf caché, non seulement de nos jugements et de nos raisonnements théoriques, mais encore de nos jugements et de nos raisonnements en matière de pratique. En effet, selon l’idée que vous vous faites de Dieu (génie malin ou bien-faisant), vos plaisirs et vos douleurs changent d’aspect et presque de nature : ainsi la mort sera le plus grand et le plus redoutable des maux, ou une délivrance. Nos plaisirs et nos douleurs sont humains : en d’autres termes, les idées qui les accompagnent leur donnent le timbre comme les harmoniques en se joignant à la note principale ; c’est ainsi que M. de Hartmann, plus fidèle qu’il ne croit,