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tendement, et en sont l’objet interne (§§180, 184, 185, 335, 351, 380).

47[1]. Ainsi Dieu seul est l’unité primitive, ou la substance simple originaire dont toutes les Monades créées ou dérivatives sont des productions, et naissent, pour ainsi dire, par des Fulgurations continuelles de la Divinité de moment en moment, bornées par la réceptivité de la créature, à laquelle il est essentiel d’être limitée (§§382-391, 398, 395).

48[2]. Il y a en Dieu la Puissance, qui est la source de tout, puis la Connaissance, qui contient le détail des idées,


    où m’avaient enchaîné les lois. » C’est donc le principe du mieux qui guide et domine l’intelligence elle-même. Il ne faut pas se contenter de dire que l’intelligence a tout ordonné : elle a tout ordonné en vue du mieux. Tel est l’optimisme socratique.

  1. Fulgurations continuelles de la Divinité. — Leibniz veut éviter le mot émanation suspect de panthéisme et même le mot création sans doute parce qu’il ne crée pas les possibles, il ne fait que leur accorder l’existence à laquelle d’eux-mêmes ils tendent. Tel apparaît subitement le dessin formé par les fragments métalliques conducteurs, quand l’étincelle jaillit en même temps à toutes les solutions de continuité. Dieu ne fait que prêter assistance aux possibles dans la mesure de leur tendance à l’être ou de leur perfection relative, en un mot de leur réceptivité. Il n’y a pas émanation parce que l’éclair qui traverse et illumine la nuit des possibles est instantané et indéfiniment répété. Ne cherchons pas d’ailleurs dans une métaphore si belle qu’elle soit le secret de l’existence des choses. Dans l’opuscule intitulé De l’Origine radicale des choses, Leibniz, après avoir admirablement développé la preuve dite a contingentia mundi, essaye d’approfondir le mystère de la création ou participation, (ce dernier mot, emprunté à Platon, pouvait s’appliquer à la relation des possibles réalisés à Dieu qui les réalise). « Nous avons donc ainsi la dernière raison de la réalité tant des essences que des existences dans un être unique qui doit être, de toute nécessité, plus grand, plus élevé et plus ancien que le monde même, puisque c’est de lui que tirent leur réalité non seulement les existences que ce monde renferme, mais les possibles eux-mêmes. Et cette raison des choses ne peut se chercher que dans une seule source, à cause de la connexité qu’elles ont toutes entre elles. Or, il est évident que c’est de cette source qu’émanent continuellement (continue permanare) toutes les choses existantes, qu’elles en sont et en ont été les productions (produci productasque esse), car on ne comprend pas comment tel état du monde plutôt que tel autre, l’état d’aujourd’hui plutôt que celui de demain viendrait du monde lui-même. On voit avec la même évidence comment Dieu agit physiquement et librement (physice sed et libere), comment en lui est la cause efficiente et finale des choses, et comment il manifeste non seulement sa grandeur et sa puissance dans la construction de la machine du monde, mais encore sa sagesse et sa grandeur dans le plan de la création… Ainsi le monde n’est pas seulement la machine la plus admirable, mais, en tant qu’elle est composée d’âmes, c’est aussi la meilleure république, où il est pourvu à toute la félicité ou à toute la joie possible qui constitua leur perfection physique. » (Ed. Janet, p. 650.) — On peut rapprocher de ces trois métaphores, fulguration, émanation, production, une métaphore de mathématicien des plus hardies selon laquelle le monde est le calcul ou la pensée de Dieu (Cum Deus calculat et cogitationem exercet fit mundus. ("Erdm., 77. a.) Leibniz (Théod., §398) cite avec éloge un texte de Malebranche d’après lequel Dieu ne peut remuer et arranger la matière sans la connaître ni la connaître sans la créer.
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