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n’y a aucune manière concevable par laquelle une substance simple puisse périr naturellement (§89).

5[1]. Par la même raison, il n’y en a aucune par laquelle une substance simple puisse commencer naturellement, puisqu’elle ne saurait être formée par composition.

6[2]. Ainsi, on peut dire que les Monades ne sauraient commencer, ni finir, que tout d’un coup, c’est-à-dire, elles ne sauraient commencer que par création, et finir par annihilation ; au lieu que ce qui est composé commence ou finit par parties.

7[3]. Il n’y a pas moyen aussi d’expliquer comment une

    l’ingénérabilité et l’indestructibilité : c’est même un de leurs principes premiers. Pourquoi donc refuseraient-ils, soit à titre de principe, soit à titre de vérité démontrée, de reconnaître l’immortalité des monades ? (Théod., §89.)

  1. Une substance simple ne saurait être formée par composition. — La durée des monades se mesure exactement à la durée des choses, à la durée de la nature dont elles sont les véritables éléments. Elles ne sauraient venir d’éléments antérieurs puisqu’elles sont simples, mais elles viennent de Dieu qui les crée par fulgurations. Il faut d’ailleurs reconnaître que ce mot n’explique rien, non plus que ceux de création ou d’émanation que Leibniz semble avoir eu dessein d’éviter, afin de ne pas préjuger la question du commencement ou de l’éternité du monde. — Leibniz, pour établir que les monades ne peuvent naître ni mourir naturellement, invoque la raison et le raisonnement. Spinoza, pour établir l’éternité des âmes, se contentait de faire appel à la conscience. « Nous sentons, nous éprouvons que nous sommes éternels. » (Eth., part. V.)
  2. Par partie. — L’animal lui-même est aussi, dans un sens, ingénérable et incorruptible : le vinculum substantiale ne saurait pas plus être rompu que la monade dominante ne saurait être détruite (Voy. Théod., §90) ; Leibniz, après avoir dit que les âmes ne peuvent commencer que par la création, ni finir que par l’annihilation, ajoute ces paroles : « Et comme la formation des corps organiques animés ne paraît explicable dans l’ordre de la nature, que lorsqu’on suppose une préformation déjà organique, j’en ai inféré que ce que nous appelons génération d’un animal n’est qu’une transformation et augmentation : ainsi, puisque le même corps était déjà animé et qu’il avait la même âme, de même le juge vice versa de la conservation de l’âme, lorsqu’elle est créée une fois, l’animal est conservé aussi, et que la mort apparente n’est qu’un enveloppement ; n’y ayant point d’apparence que dans l’ordre de la nature il y ait des âmes entièrement séparées de tout corps, ni que ce qui ne commence point naturellement puisse cesser par les forces de la nature. » Si le vinculum substantiale n’est un être que par accident, c’est donc, dans l’animal, un accident inséparable. Le corps participe par lui dans une certaine mesure à l’indestructibilité de l’âme, ou plutôt, il est indestructible comme elle est immortelle. En tant que composé, qu’aggrégat, il commence et finit par parties, mais en tant qu’organisme, il ne commence ni ne finit.
  3. Altérée ou changée. — L’altération, selon les péripatéticiens, est un changement qui porte exclusivement sur la qualité. « Alteralio est motus ad qualitatem ex se successive producibilem : qualis calefactio et frigefactio », dit un manuel de philosophie péripatéticienne. Remarquons bien la manière dont Leibniz prouve l’impossibilité de l’action transitive : il se fonde sur la simplicité de la monade, mais nous avons vu que cette simplicité substantielle n’exclut pas une multiplicité qualitative, savoir : la multiplicité des perceptions et aperceptions et le passage perpétuel d’un état qualificatif à un autre état qualificatif. C’est un point fondamental de la doctrine de Leibniz, mais on peut se demander si Leibniz ne tranche pas la difficulté un peu légère-