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pondre exactement à ce monde en raccourci de perceptions et d’aperceptions que chaque monade porte en elle-même. Le macrocosme et le microcosme se correspondent exactement ; les mêmes dessins sont figurés sur la sphère infinie et sur l’imperceptible point géométrique. Ce qu’il y a de beau dans la géométrie extérieure ou mécanique existe éminemment dans l’âme.

Le monde existe donc autant de fois qu’il y a d’âmes et d’entéléchies ; c’est un des caractères de sa perfection relative. Il a été choisi parmi tous les mondes possibles à cause de son excellence. Il offre au plus haut point les deux caractères de la perfection, l’ordre inaltérable et la variété infinie. Quant aux imperfections qu’il contient, au mal physique, métaphysique et moral, il n’a pas sa cause en Dieu, mais dans les essences éternelles et dans l’insuffisante réceptivité des créatures (causa deficiens). À vrai dire, le mal n’est pas ; il n’y a qu’un moindre bien.

Les monades vont toutes confusément à l’infini, mais elles ne sauraient développer tout d’un coup tous leurs replis : de là une hiérarchie dans les êtres. On peut affirmer qu’il n’y a pas de purs esprits, qu’il ne saurait en exister (Dieu excepté) ; le corps est le point de vue de la monade, et comme tel nécessaire à son existence.

(§63 — §81). Nulle part, dans la nature, ne règnent donc la torpeur et l’inertie ; tout est organique, tout est vivant. Partout les entéléchies et les âmes sont représentatives de l’univers, mais avec une conscience inégale. Les composés symbolisent avec les simples et même leur sont nécessaires puisqu’il n’y a pas d’âmes séparées. Le flux perpétuel des éléments du corps ne peut entraîner tout ce qui entre dans sa constitution actuelle. Il n’y a ni génération, ni mort (prise à la rigueur) : génération, c’est développement ; mort, c’est enveloppement.

L’origine des formes (ou entéléchies, ou âmes) a fort divisé les philosophes ; Leibniz est partisan de l’emboîtement des germes ou préformation.

Quelle est l’origine de la Raison dans l’homme ? Leibniz ne s’explique pas sur ce difficile problème. Il déclare seulement que les deux règnes, celui des causes efficientes et celui des causes finales sont harmoniques entre eux et, ailleurs, que les lois du monde et Dieu lui-même sont en quelque sorte innés à l’âme et, sans doute, constituent la raison quand l’homme prend conscience en lui-même et des lois du monde et de l’idée