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physique, qui a pour triple objet les premières causes et les dernières fins dans l’homme, dans le monde et en Dieu. Mais une difficulté se présente : Leibniz traite de l’entéléchie et de la monade (c’est-à-dire au fond du règne végétal et animal et du règne humain) dans les mêmes paragraphes, au commencement et à la fin de la Monadologie. Il semble revenir continuellement sur ses pas.

C’est qu’il analyse d’abord le concept de la monade en s’appuyant sur le principe de contradiction et en procédant par analogie ; il est alors enfermé dans l’être individuel pour ainsi dire, et s’applique à transformer la notion de substance et à préciser la définition de la force. Or, les monades ne se suffisent pas à elles-mêmes ; il ne trouve pas dans ces éléments de la nature leur raison d’existence. Il faut donc changer de point de vue, s’élever plus haut, remonter jusqu’à Dieu : l’ontologie devient alors théologie. Est-ce tout ? il le semble, puisque l’homme est essentiellement une monade (l’âme) qui tient sous sa dépendance d’autres monades (le corps) ; puisque le monde est constitué exclusivement par des monades ou entéléchies qui sont les analogues de l’âme (analoga animabus) ; puisqu’enfin le Dieu auquel Leibniz s’est élevé comme à l’être nécessaire, en vertu du principe de raison suffisante, contient l’explication ultime et de l’homme et du monde. Cependant ce serait s’arrêter en chemin : on ne peut bien comprendre l’homme et le monde qu’en les considérant du point de vue de Dieu lui-même. Autrement, le mécanisme et le dynamisme resteraient juxtaposés et l’on ne pourrait se rendre compte de leur rapport intime et de leur pénétration mutuelle ; autrement il y aurait entre les causes efficientes et les causes finales un divorce irrémédiable et le règne de la Nature ne serait pas complété par le règne de la Grâce ou il s’achève. Le point culminant de la Monadologie, c’est donc le concept de Dieu. Dieu est le seul point de vue duquel l’homme et le monde soient intelligibles. Seulement nous ne nous élevons pas à Dieu d’un bond pour ainsi dire (simplici mentis intuitu), ou, si l’on veut, il nous faut un point d’appui pour nous élancer jusqu’à lui. Voilà pourquoi la Monadologie comprend trois parties bien distinctes et qui n’empiètent qu’en apparence les unes sur les autres :

Première partie (§ 1 — § 36). Entéléchies et monades. — Les Êtres créés (végétaux, animaux, hommes, génies), expliqués par les monades ou éléments des choses. La nature et les attributs de la monade.