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c’est en 1670, âgé de vingt-quatre ans, que Leibniz, selon l’expression de Fontenelle « se déclara publiquement philosophe » dans son livre sur le style philosophique de Nizolius. Signalons aussi des publications de circonstance et toutes politiques : sous le nom de George Vlicovius, Leibniz avait publié en 1668 un traité en faveur de Guillaume de Neubourg, comte palatin, candidat au trône de Pologne lors de l’abdication de Jean Casimir ; et sous le nom de Cæsarinus Fustenerius, lors de la paix de Nimègue et à propos de certaines difficultés de préséance et de cérémonial, il publia un traité en faveur des princes d’Allemagne qui n’étaient pas électeurs. Ce traité mérite d’être mentionné ; Leibniz y soutient que l’empereur d’Allemagne et le pape sont les chefs naturels de tous les États chrétiens d’occident, le pape pour le spirituel, l’empereur pour le temporel. Curieuse théorie où se révèlent d’une manière inattendue les prétentions historiques d’outre-Rhin et l’aspiration à l’hégémonie qui a éclaté de nos jours et passé ainsi des thèses d’école dans le régime politique de l’Europe. M. de Bismarck pourrait puiser des arguments dans Leibniz, et Fontenelle déjà s’arrête tout surpris devant ces prétentions germaniques et n’y voit qu’une aberration de l’esprit de système. « Cette république chrétienne, dont l’empereur et le pape sont les chefs, n’aurait rien d’étonnant si elle était imaginée par un Allemand catholique ; mais elle l’était par un luthérien ; l’esprit de système, qu’il possédait au souverain degré, avait bien prévalu à l’égard de la religion sur l’esprit de parti. » Cette fois Fontenelle se trompe c’est l’esprit national, le sang allemand qui se révèle ; Kuno Fischer a raison de revendiquer Leibniz pour l’Allemagne. À la même époque, et tout en écrivant en latin, Leibniz portait aux nues la langue allemande, la plus philosophique de l’Europe : Illud asserere ausim, huic tentamento prebatorio atque examine philosophematum per linguam aliquam vivam, nullam esse in Europa linguam Germanica aptiorem, quia Germanica in realibus plenissima est et perfectissima, ad invidiam omnium cæterarum quum artes reales et mechanicæ a multis seculis a nulla gente sint diligentius excultæ[1].

Déjà la Confessio naturæ nous montre Leibniz préludant à certaines théories de la Théodicée, par exemple quand il prouve l’existence de Dieu en soutenant que l’espace est passif et comporte une infinité de figures et de mouvements, et qu’il faut

  1. Erdmann, de Stylo phil. Nizolié, 62.