Page:Leibniz - La Monadologie, éd. Bertrand, 1886.djvu/102

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

vant son point de vue, et aussi réglé que l’Univers même. » (Ibid., 3.) Le mot se trouve pour la première fois chez Leibniz, dans une lettre à Fardella datée de 1697. De natura Monadum et substantiarum quod porro quæris, puto facile satisfieri posse… (Erdm., 145, a.) Il semble être d’origine pythagoricienne ; dans un système où tout était ramené aux nombres, l’unité (μονάς), principe du nombre, était nécessairement le principe des choses. La monade pythagoricienne semble n’être qu’une abstraction réalisée, un être purement mathématique, tandis que celle de Leibniz est substantielle, réelle, douée d’activité, une sorte d’atome de force. Giordano Bruno avait déjà donné à ce mot un sens analogue et peut-être identique : il appelait minima on monades les éléments des choses et monas monadum la divinité. L’idée maîtresse de la Monadologie, celle qui semble appartenir en propre à Leibniz (bien qu’il ait pu peut-être la découvrir dans le médecin anglais Glisson), est d’avoir doué les monades de perceptions représentatives de l’univers et de spontanéité ou d’appétitions. Avant de s’arrêter au mot qui nous occupe, il employait les équivalents et les périphrases qui suivent : formes substantielles, unités véritables, unités réelles, forces primitives, atomes formels, atomes de substance, points métaphysiques, etc.

Nécessaire. — Est nécessaire ce qui ne peut pas ne pas être ni être autrement qu’il n’est : en d’autres termes, ce dont le contraire ou la non-existence implique contradiction et qui contient en soi la raison de sa propre existence. Le contraire de nécessaire est contingent : Dieu est appelé l’être nécessaire et il y a une preuve de son existence qui est dite a contingentia mundi.

Perceptions. — Modifications internes de la monade ; représentations du multiple dans l’un, de la variété dans l’unité. Perceptio nihil aliud est quam multarum in uno expressio. (Epist. ad Des Bosses, Erdm., 438, b.) Les plantes et les animaux sont, comme l’homme lui-même, doués de perceptions. Ce mot s’oppose à aperceptions, perceptions aperçues par la conscience, modifications que nous pouvons saisir en nous par un effort de réflexion. Dieu n’a que des aperceptions, les êtres inférieurs à l’homme n’ont que des perceptions. La distinction de ces deux états internes est l’origine des théories contemporaines de l’inconscient.

Poiret (Pierre). — Né à Metz en 1646, mort près de Leyde en 1719, ministre protestant, cartésien et mystique, soutient que Dieu a créé librement les idées ou vérités éternelles, doctrine empruntée à Descartes. Poiret a écrit un ouvrage intitulé l’Économie divine.

Possible. — Est possible logiquement ce qui n’implique pas contradiction. Ce mot s’oppose aux mots réel et actuel. Leibniz lui donne un sens métaphysique qui rend fort insuffisante la définition précédente. Il attribue aux possibles une forme d’existence qu’il appelle la tendance à l’existence, exigentia existentiæ. Les possibles possèdent cette tendance dans la mesure exacte de leur quantité d’essence, quantitas essentiæ ou perfection, ad existentiam tendunt pro quantitate essentiæ vel pro gradu perfectionis quem involvunt. Dieu ne crée pas les possibles, mais il est la raison suffisante de cette tendance à l’existence : s’ils n’en étaient doués, ils pourraient jusqu’à un certain point se concevoir indépendamment de Dieu, quodammedo sine Deo concipi possunt — realitas essentiarum qua scilicet in existentias influunt a Deo est. Les possibles diffèrent des compossibles, car ce dernier mot signifie choses simultanément possibles ; or deux choses peuvent s’exclure réciproquement alors que pourtant ni l’une ni l’autre n’implique en soi contradiction.