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On voit aussi l’éclaircissement inopiné de ce grand mystère de l’union de l’âme et du corps, c’est-à-dire comment il arrive que les passions et les actions de l’un sont accompagnées des actions et passions ou bien des phénomènes convenables de l’autre. Car il n’y a pas moyen de concevoir que l’un ait de l’influence sur l’autre, et il n’est pas raisonnable de recourir simplement à l’opération extraordinaire de la cause universelle dans une chose ordinaire et particulière. Mais en voici la véritable raison : nous avons dit que tout ce qui arrive à l’âme et à chaque substance est une suite de sa notion, donc l’idée même ou essence de l’âme porte que toutes ses apparences ou perceptions lui doivent naître (sponte) de sa propre nature, et justement en sorte qu’elles répondent d’elles-mêmes à ce qui arrive dans tout l’univers, mais plus particulièrement et plus parfaitement à ce qui arrive dans le corps qui lui est affecté, parce que c’est en quelque façon et pour un temps, suivant le rapport des autres corps au sien, que l’âme exprime l’état de l’univers. Ce qui fait connaître encore comment notre corps nous appartient sans être néanmoins attaché à notre essence. Et je crois que les personnes qui savent méditer jugeront avantageusement de nos principes, pour cela même qu’ils pourront voir aisément en quoi consiste la connexion qu’il y a entre l’âme et le corps qui paraît inexplicable par toute autre voie.