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laissait finalement peu d’illusion au philosophe sur le cas qui serait fait des conclusions, et l’on sent une véritable angoisse dans les termes avec lesquels, à la fin de cette discussion de deux ans, il adjure Arnauld (par l’entremise du Landgrave) de déclarer « s’il croit véritablement qu’il y a un si grand mal de dire que chaque chose (soit espece, soit individu ou personne) a une certaine notion parfaite, qui comprend tout ce qu’on en peut enoncer veritablement… et si M. A. croit de bonne foy qu’un homme qui seroit dans ce sentiment ne pourroit estre soulfert dans l’Eglise Catholique, quand même il désavoueroit sincerement la consequence pretendue de la fatalité. » Hélas ! Le janséniste ne connaissait que trop par son expérience l’explicable susceptibilité de l’orthodoxie catholique en ce qui touche la liberté humaine !

Entre temps, Leibniz avait repris sur nouveaux frais, dans les réponses provoquées par Arnauld, la démonstration d’une partie importante des articles du sommaire. Cela rendait peu utile l’envoi de la copie du Discours, d’autant plus qu’Arnauld se montrait manifestement mal disposé à en examiner les autres thèses. Cette copie (B) avait été pourtant fort soigneusement exécutés et corrigée, peu de temps après leur premier échange de lettres[1]. Elle resta dans les cartons de l’auteur aussi bien que deux autres reproductions incomplètes (A et C) commencées postérieurement.

De son contact en 1689-90 avec les théologiens d’Italie Leibniz emporta une impression beaucoup moins décourageante. Plus éloignés de la frontière ennemie, les esprits des défenseurs du catholicisme s’ouvraient plus librement en ce pays qu’en France à l’examen et à la discussion des nouveautés.

Thomiste et Augustinien, aussi rapproché, par conséquent, qu’on pouvait l’être dans l’orthodoxie, des opinions Leibni-

  1. Le papier du manuscrit autographe et celui de la copie B sortent des mêmes cuves et portent le même millésime (1678). Celui des copies incomplètes A et C a aussi le même format et le même filigrane mais avec le millésime de 1686.