Page:Leibniz - Discours de métaphysique, éd. Lestienne, 1907.djvu/14

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

la plus élégante et surtout la plus rigoureusement démontrée qu’on pût souhaiter, du « phénomène » universel et jusqu’alors inexplicable de l’action ad extra.

Qu’il fût dès lors fort tenté de publier le Discours et de faire connaitre le résultat de ses réflexions aux philosophes de France si préoccupés, à cette époque, du même problème métaphysique, c’est ce dont il avait peine à se défendre. « Je ne me presse pas trop de publier quelque chose sur des matières abstraites, qui sont au goust de peu de personnes, puisque le public n’a presque encore rien appris depuis plusieurs années de quelques découvertes plus plausibles que j’ay : je n’avois mis ces méditations par écrit que pour profiter en mon particulier des jugements des plus habiles.. »[1].

Mais son ambition, vieille déjà de vingt ans, de réconcilier les confessions chrétiennes par la philosophie, en leur offrant dans son système l’enveloppe la plus convenable de leurs dogmes et la plus propre aussi à en effacer les différences cette ambition de toute sa vie le retenait. Il fallait s’assurer, avant toute publication de l’ensemble, que des points peut-être secondaires de son exposition, ne seraient point sujets à contradiction ni à condamnation dans cette Eglise Catholique dont il reconnaissait qu’on pouvait trouver la théologie « mieux liée » que celle de ses coreligionnaires, dont les dogmes l’arrêtaient moins que certaines pratiques du culte et la trop rude discipline intellectuelle, et qu’il rêvait de conquérir à sa philosophie, plus encore qu’on ne songeait chez elle à le ranger sous sa bannière. La discussion si justement célèbre avec Arnauld détruisit en partie ces espérances : le sommaire des articles du Discours fournissait, il faut l’avouer, une base insuffisante pour l’appréciation d’une doctrine bien plus remarquable par ses méthodes et ses considérants que par ses conclusions ; Leibniz eut peine à forcer l’attention d’abord, puis surtout l’assentiment de l’inflexible théologien.

L’assentiment qu’Arnauld finit par accorder à certains principes, et dont Leibniz se prévalut toute sa vie comme d’un triomphe,

  1. Gerh. II, 16-17, Lettre au Landgrave Ernest de Hesse Rheinfels, 12 avril 1686.