Page:Leibniz - Die philosophischen Schriften hg. Gerhardt Band 7.djvu/195

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
181
Discours touchant la methode de la certitude et l’art d’inventer.

Pour ce qui est des connoissances non-ecrites qui se trouvent dispersées parmy les hommes de differents professions, je suis persuadé qu’ils passent de beaucoup tant à l’egard de la multitude que de l’importance, tout ce qui se trouve marqué dans les livres, et que la meilleure partie de nostre tresor n’est pas encor enregistrée. Il y en a même tousjours qui sont particulieres à certaines personnes et se perdent avec elles. Il n’y a point d’art mecanique si petit et si meprisable, qui ne puisse fournir quelques observations ou considerations remarquables, et toutes les professions ou vocations ont certaines adresses ingenieuses dont il n’est pas aisé de s’aviser et qui neantmoins peuvent servir à des consequences bien plus relevées. On peut ajouter que la matiere importante des manufactures et du commerce ne sçauroit estre bien reglée que par une exacte description de ce qui appartient à toute sorte d’arts, et que les affaires de milice et finances et de marine dépendent beaucoup des mathematiques et de la physique particuliere. Et c’est là le principal defaut de beaucoup de sçavants qu’ils ne s’amusent qu’à des discours vagues et rebattus, pendant qu’il y a un si beau champ à exercer leur esprit dans des objets solides et réels à l’avantage du public. Les chasseurs, les pecheurs, les mariniers, les marchands, les voyageurs et même les jeux tant d’adresse que de hazard fournissent de quoy augmenter considerablement les sciences utiles. Il y a jusque dans les exercices des enfans ce qui pourroit arrester le plus grand Mathematicien ; apparemment nous devons l’aiguille aimantée à leurs amusemens, car qui se seroit avisé d’aller regarder, comment elle se tourne, et il est constant que nous leur devons l’arquebuse à vent, qu’ils practiquoient avec un simple tuyau de plume qu’ils bouchoient par les deux bouts en perçant tantost avec l’un bout et tantost avec l’autre la tranche d’une pomme, forçant par apres un bouchon d’approcher de l’autre et de la chasser à force de l’air pressé entre deux, long temps avant qu’un habile ouvrier Normand s’avisa de les imiter en grand. Enfin sans negliger aucune observation extraordinaire, il nous faut un veritable Theatre de la vie humaine tiré de la practique des hommes bien different de celuy que quelques sçavans hommes nous ont laissé, dans lequel tout grand qu’il est, il n’y a gueres que ce qui peut servir à des harangues et à des sermons. Pour concevoir ce qu’il nous faudroit choisir pour ces descriptions reelles et propres à la practique, on n’a qu’à se figurer de combien de lumieres on auroit besoin pour se pouvoir faire