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24. L’on voit par là, que si nous n’avions rien de distingué, et pour ainsi dire de relevé, et d’un plus haut goût dans nos perceptions, nous serions tousjours dans l’étourdissement. Et c’est l’état des Monades toutes nues.

25. Aussi voyons nous que la Nature a donné des perceptions relevées aux animaux, par les soins qu’elle a pris de leur fournir des organes, qui ramassent plusieurs rayons de lumiere ou plusieurs undulations de l’air pour les faire avoir plus d’efficace par leur union. Il y a quelque chose d’approchant dans l’odeur, dans le goût et dans l’attouchement et peutêtre dans quantité d’autres sens, qui nous sont inconnus. Et j’expliqueray tantost, comment ce qui se passe dans l’Ame represente ce qui se fait dans les organes.

26. La memoire fournit une espèce de Consecution aux Ames, qui imite la raison, mais qui en doit être distinguée. C’est que nous voyons que les animaux ayant la perception de quelque chose qui les frappe et dont ils ont eu perception semblable auparavant, s’attendent par la representation de leur memoire à ce qui y a été joint dans cette perception precedente et sont portés à des sentimens semblables à ceux qu’ils avoient pris alors. Par exemple : quand on montre le bâton aux chiens, ils se souviennent de la douleur qu’il leur a causée et crient ou fuient[1].

27. Et l’imagination forte, qui les frappe et emeut, vient ou de la grandeur ou de la multitude des perceptions precedentes. Car souvent une impression forte fait tout d’un coup l’effet d’une longe habitude, ou de beaucoup de perceptions mediocres reiterées.

28. Les hommes agissent comme les bêtes en tant que les consecutions de leurs perceptions ne se font que par le principe de la memoire, ressemblans aux Medecins Empiriques, qui ont une simple pratique sans theorie, et nous ne sommes qu’Empiriques dans les trois quarts de nos Actions. Par exemple, quand on s’attend qu’il y aura jour demain, on agit en Empirique, parce que cela s’est tousjours fait ainsi jusqu’icy. Il n’y a que l’Astronome, qui le juge par raison.

29. Mais la connaissance des verités necessaires et eternelles est ce qui nous distingue des simples animaux et nous fait avoir la Raison et les sciences, en nous élevant à la connoissance de nous mêmes et de Dieu. Et c’est ce qu’on appelle en nous Ame Raisonnable ou Esprit.

  1. Prelim. §. 65