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Remond à Leibniz

ordre qu’on me ramassa jusqu’aux plus petites choses qui vous ont échappé et qui sont dispersées par ci par là. Si votre bonté voulait m’épargner cet embarras et me délivrer de la crainte où je suis d’en perdre quelque chose, si l’amour que vous avez pour la société humaine et à qui vous procurez les plus grands biens qui sont la vertu et la vérité qui y conduit, pouvait vous engager à les rassembler tous et à en former un corps par la division des sciences, puisque vous estes universel et en même temps singulier en chaque partie ou plutôt unique. Nous n’aurions plus besoin de tant de livres ni même de tant de vaines méditations, puisque nous saurions à quoi nous en tenir. Si la fortune n’avait pas été obligé de céder à votre mérite, j’offrirais tous les secours nécessaires pour une dépense qui me comblerait de richesses. J’ai déjà une grande obligation à M. Coste qui ne vous est pas inconnu et que Monsieur Le Clerc m’a fait l’honneur de m’adresser, car j’ai eu par son moyen le jugement très solide et très exquis que vous avez fait des œuvres de Milord Schaftsbury, et j’ai copié moi-même ce jugement avec plaisir pour le garder. Je vous assure que ce n’est pas sans le relire souvent toujours avec une nouvelle délectation. Heureux ceux qui sont à Hanovre et heureux, comme dit Platon, le sage et ceux qui entendent ses discours. Je vous demande encore mille pardons de ma hardiesse et un million de la prolixité de ma lettre, mais la vertu cujus sacra fero ingenti perculsus amore, et qui rend ordinairement silencieux, me fait aujourd'hui bien discourir. J’ai besoin de votre indulgence et vos ouvrages qui n’en demandent aucune, en témoignent beaucoup dans leur illustre auteur. Je vous supplie de ne me la pas refuser et de me croire avec un très profond respect et une admiration infinie etc.

à Paris ce 2 juin 1713.

[P. S.] J’avais prié M. Masson qui part pour Hanovre de vous faire ma très humble prière, mais comme tous vos ouvrages ne sont pas sur des médailles, j’ai peur qu’il n’oubliât ma commission ; ainsi j’ai pris le parti de le charger d’une lettre que je vous supplie de recevoir avec cette bonté, à qui votre esprit rend tous les charmes, que je suis sûr qu’elle donne à votre cœur.

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