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continuellement par le même miracle, puis qu’elle n’y a point de racine,
à moins que Dieu y adjoute une nouvelle nature. Mais si l’on disoit que
Dieu donne à la matière cette nouvelle nature ou la force de penser radi-
cale, qui depuis s’y entretienne d’elle même, ce seroit justement l’ame
pensante qu’il luy auroit donnée, ou bien ce qui n’en differeroit que de
nom ; et cette force radicale n’estant pas proprement une modification de
la matière (car les modifications sont explicables par les natures qu’elles
modifient, et cette force ne l’est pas), elle seroit indépendante de la matière.
Apres cela, Madame, je viens à des difficultés importantes qui Vous
sont venues dans l’Esprit. Vous remarqués donc (9) qu’il semble que les
organes ne servent de rien, si l’ame suffit. Je reponds que si l’ame de
César (par exemple) devoit estre seule dans la nature, L’auteur des choses
auroit pû se passer de luy donner des organes. Mais ce même auteur a
voulu faire encor une infinité d’autres estres, qui sont enveloppés dans
les organes les uns des autres. Nostre corps est un espece de monde
plein d’une infinité de créatures qui meritoient aussi d’exister, et si nostre
corps n’estoit pas organisé, nostre Microcosme ou petit monde n’auroit pas
toute la perfection qu’il doit avoir, et le grand Monde même ne seroit pas
si riche qu’il est.
(10) C’est aussi sur ce fondement que j’ay dit non pas absolument,
que l’organisme est essentiel à la matière, mais à la matière ar-
rangée par une sagesse souveraine. Et c’est pour cela aussi que
je definis l’Organisme, ou la Machine naturelle, que c’est une machine
dont chaque partie est machine, et par conséquent que la subtilité de son
artifice va à l’infini, rien n’estant assez petit pour estre négligé, au lieu
que les parties de nos machines artificielles ne sont point des machines.
C’est là la différence essentielle de la Nature et de l’Art, que nos mo-
dernes n’avoient pas assez considérée.
(11) Il vous semble encor, Madame, que la Force ne sauroit estre
l’Essence d’aucune substance. C’est sans doute par ce que vous parlés
des forces changeables, telles qu’on entend communément. Au lieu que
par Force primitive j’entends le Principe d’Action, dont les forces
changeables ne sont que les modifications.
(12) L’Idée positive de cette substance simple ou Force primitive est toute trouvée, puisqu’elle doit tousjours avoir en elle un progrès réglé de perceptions, suivant l’Analogie qu’elle doit avoir avec nostre ame.