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le concert des grandes tables d’hôte ; le concert des jardins et autres lieux publics ; enfin le concert des églises.

Qui sont ceux qui vont au concert ?

Ceux qui vont au concert sont :

1o Ceux qui aiment la musique ; 2o ceux qui n’aiment pas la musique, mais qui aiment la chanteuse ; 3o ceux qui n’aiment pas la musique, mais qui ont été forcés de prendre des billets ; 4o ceux qui n’aiment pas la musique, mais auxquels un ami a donné un billet, à charge de l’applaudir ; 5o ceux qui n’aiment pas la musique, mais qui sont malheureux et roulent dans leur esprit de vagues idées de suicide.

Quels sont les supplices que l’on souffre au concert ?

Les supplices, que l’on souffre au concert, sont de différentes sortes. Au point de vue physique, on y est mal assis ; on y a trop chaud ; on y fait diflicultueusement sa digestion ; on y a les pieds froids et la tête brûlante ; on y est sous l’influence de bouches de chaleur qui vous grillent et en même temps de courants d’air qui vous glacent.

Au point de vue des relations mondaines, on est assis à côté d’amis qu’on déteste ; on ne peut regarder la femme qu’on voudrait voir ; on est forcé de ne pas bâiller, tousser, laisser tomber sa canne ; on est obligé de s’extasier, se pâmer, applaudir devant les plus lourdes inepties.

N’y-a-t-il pas d’autres supplices ?

Oui, il y a des supplices spéciaux réservés pour ceux qui aiment la musique. Ce sont les fausses notes, les couacs, les notes prises en dessous, les fausses attaques, la fantaisie du ténor et du soprano chantant à leur guise et se donnant rendez-vous au point d’orgue, l’exécution sans répétitions d’œuvres qui auraient voulu être étudiées longuement, etc., etc.

Quels sont les moyens à employer pour éviter le concert ?

Les moyens à employer pour éviter le concert sont la fuite des occasions dangereuses : c’est-à-dire ne pas connaître de femme du monde qui place des billets pour un Concert de charité ; ni d’artiste qui « fasse son concert annuel » ; ni de chanteur, chanteuse, pianiste, violoniste, flûtiste, hautboïste, clarinettiste, violoncelliste, cornettiste, harpiste, voire même de timbalier ayant des prétentions aux soli ; ni de compositeurs mâles ou femelles ; ni d’amis ou de parents des susdits compositeurs ; ni d’amateur, qui, ayant été forcé de prendre un très grand nombre de billets, se fait chanter un très petit air et vous glisse le plus qu’il peut de ces billets ; ni d’auteur des paroles qui « bêche » le musicien et vice versa ; ni de professeur qui veuille faire mousser son élève ; ni de mère d’une petite demoiselle du Conservatoire accomplissant ses