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tions de dignité dans la vie et de dévouement aux malheureux, en la personne de la meilleure des mères, qui a été la plus noble et la plus dévouée des épouses.

Au bout de la maison se trouve une vinée (nous sommes en Bourgogne), et plus loin, en retour, une petite serre. Devant tout le corps de bâtiment fleurit un jardinet qui me semble le jardin du paradis terrestre.

Au-dessus de la vinée un grenier, auquel on accède par vingt marches. En été, de grandes baies ouvertes laissent pénétrer l’air et la lumière, si bien que la glycine, la clématite et la vigne vierge, montant le long du mur de la vinée, entrent joyeusement dans le grenier et en tapissent, par places, les sombres parois.

C’est là que j’ai placé ma malle, à un pas du mur de gauche ; il me semble que les roses fanées qu’elle conserve religieusement doivent, les pauvres mortes, tressaillir au souffle de vie qui les entoure à certaines heures de la journée, et aux émanations voluptueuses de leurs sœurs, les roses grimpantes qui viennent jusqu’à elles.

Quelquefois, des envolées d’oiselets entrent comme un joyeux tourbillon dans le grenier et, après deux ou trois tours bruyants, se sauvent en riant comme des écoliers qui font l’école buissonnière.

Un jour de l’automne dernier, je désirai causer une heure avec le passé, et je résolus d’aller demander à la malle quelques-uns des secrets, tristes ou gais, qu’elle renferme.

Ainsi, nous trouvons des joies infinies, sentant combien la vie est courte, à revivre le temps enfui et à nous créer par là une sorte d’existence supplémentaire ; nos pieds dussent-ils se blesser à suivre le calvaire déjà parcouru ; notre cœur se déchirer aux ronces du chemin et voir se rouvrir d’anciennes blessures mal fermées, toujours prêtes à donner ce qui reste du meilleur de notre sang.

Je monte donc les marches du grenier avec le sentiment religieux qu’on apporte en descendant les marches d’un caveau funéraire, j’ouvre doucement la porte… et j’aperçois une jolie souris traversant au galop la pièce pour se réfugier derrière la malle. Sur la pointe des pieds, je me dirige de ce côté, m’effaçant de mon mieux le long des murs, pour voir ce qu’était devenue l’indiscrète personne.

Me voici arrivé tout près du « coffret de la mariée » ; je regarde : que de choses entre ce coffret et la muraille ! des brins de paille apportés sans doute par des pierrots voleurs, un croûton de pain apporté par un rat prévoyant, un morceau de lettre apporté par quelque servante imprévoyante, un lambeau d’étoffe apporté par le chat qui s’amuse, des feuilles d’arbres jaunies apportées par le vent qui gémit. J’aperçois le trou dans lequel miss souris vient de disparaître