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JULES LEGOUX

(LES PROPOS D’UN BOURGEOIS DE PARIS)

HOMMES ET FEMMES

LES CONCERTS



Avez-vous remarqué qu’avec les giboulées de neige arrivent les giboulées de concerts : c’est le chant du cygne de l’hiver !

Bientôt la terre, toute frémissante du grand travail qui se fait en son sein, se parera de ses habits de fête, et le renouveau de la nature saluera le renouveau de la vie. Bientôt, ce ne seront plus les artistes, mais les oiseaux qui chanteront ! Bientôt !… mais quand ?

En attendant, les jours sont tristes, froids et lugubres, et l’on entend dans certaines maisons de grands gémissements et des sanglots qui remplissent l’âme d’effroi et de tristesse.

Et le cœur se serre en voyant des hommes et des femmes qui, entrés dans ces maisons, deux heures plut tôt, pleins de vie et de joie, en sortent comme des désespérés. Sombre est leur regard, crispée est leur bouche, rouges sont leurs yeux, veule est leur démarche, navré est leur visage. Oh ! les pauvres gens ! les pauvres gens ! d’où viennent-ils ?

Et notre esprit se demande avec effroi à quelles horribles tortures on les a soumis ; quelles douleurs inouïes on leur a imposées ; pourquoi on a ainsi maltraité leur âme endolorie, leur corps avachi ; et un grand souffle de colère secoue notre être tout entier devant ces effroyables misères humaines !

Où est le gouvernement tutélaire, où est la police prévoyante, où est la loi protectrice ?

Je me suis renseigné : ces maisons d’où partent des cris et