ne faut jurer de rien, puis le Chandelier, puis les Caprices de Marianne, puis On ne badine pas avec l’amour ; et cependant, à mesure que ces œuvres, toutes d’imagination et d’une forme si nouvelle, révélaient au public émerveillé un A. de Musset inconnu, l’autre, celui qu’on aimait déjà, mais en ne le connaissant qu’à demi, montait, grandissait, s’éclairait. La poésie de sa prose complétait la poésie de ses vers. On lisait ou on relisait Rolla après avoir entendu le Chandelier ; et lorsqu’enfin, la Nuit d’octobre, si merveilleusement interprétée par Delaunay et Mlle Favart, donna la vie du théâtre aux conceptions purement lyriques du poète, ses deux talents réunis ainsi en un seul, le portèrent du coup au rang de Lamartine et de Victor Hugo.
Dans ma pensée, A. de Musset n’est pas leur égal. Son génie habite une sphère moins élevée que la leur. Il n’appartient pas à la grande race des génies bienfaiteurs. Son idéal d’amour ne va pas au delà des Belcolor et des Namouna. Manon Lescaut est son Elvire. Il ne peint dans la passion que ce qu’elle a de maladif et de fatal. Il ne décrit dans le cœur humain que les fièvres du cœur humain. Bien des personnages de femmes traversent ses poèmes ; cherchez-y l’image vraie et pure d’une jeune fille, d’une sœur, d’une mère, d’une aïeule, d’une femme croyante, d’une femme dévouée, d’une femme honnête, vous ne l’y trouverez pas. Je vais plus loin : demandez-lui la peinture d’un des grands et éternels sentiments de l’âme, l’amour paternel, l’amour filial, le patriotisme, la charité, l’amour de la liberté, l’amour de l’humanité ; vous ne l’y trouverez pas ! Ce grand poète n’est ni citoyen, ni père, ni fils, ni homme même, dans