et écrivit le matin à un de ses amis : « Un poète nous est né cette nuit ! »
Un poète ! c’est-à-dire, selon le sens originaire du mot, un créateur. Ce jeune homme venait en effet de créer quelque chose d’inconnu dans la poésie française. De ses lèvres venait de jaillir un hymne nouveau à la plus poétique des passions humaines, il avait transfiguré l’amour. Jusqu’a lui, tous nos poètes élégiaques, Marot, Ronsard, Régnier, La Fontaine, Parny, Millevoye, André Chénier lui-même, qu’étaient-ils ? Des païens, qui ne chantaient dans l’amour, qu’une volupté ou un délire. Lamartine en fit presque une religion. Le premier, il représente dans le même cœur l’amour et la foi ; il épure la passion par la piété, il enflamme la piété par la passion ; il adore Dieu en Elvire, il adore Elvire en Dieu ! De là toute une source de beautés nouvelles. L’idée de l’infini avec ses tristesses et ses extases, le sentiment de tout ce que nos affections ont de périssable, mêlé à la conscience de tout ce qu’elles ont d’éternel, entrent pour la première fois dans des vers d’amour ; pour la première fois, viennent s’asseoir à côté d’un chantre d’Éros, deux muses inconnues à l’antiquité, la mélancolie et l’espérance, et c’est ainsi que dans les poèmes de Lamartine, l’amour, tour à tour baigné d’ombre et inondé de lumière, penché sur le tombeau ou s’élançant vers le ciel, nous apparaît revêtu d’une grandeur nouvelle, entre la mort et l’immortalité.
Je n’entrerai pas ici dans le détail des mille beautés poétiques de l’œuvre de Lamartine. Je me bornerai à rappeler que les secondes Méditations, les Harmonies, les Recueillements, la