un cours d’eau débordé, en mille œuvres diverses. Faut-il le regretter ? Non. Peut-être en se bornant eût-il produit quelque œuvre plus durable ; mais il n’eût plus été lui, c’est-à-dire cette créature multiple, électrique, faisant feu à tout les chocs. Ses ouvrages sont des ouvrages d’avant-garde. Son Histoire de la littérature au treizième siècle, son Histoire romaine à Rome, ses études archéologiques, ne sont un peu oubliées que parce qu’elles ont été imitées. Le domaine de la pensée ressemble à l’Amérique : le peuple des travailleurs s’y partage en deux classes : les pionniers qui percent les forêts vierges, qui défrichent les landes, qui portent la lumière et la vie partout où régnait la solitude ; puis les constructeurs, les bâtisseurs, qui édifient des maisons, élèvent des monuments, et font disparaître la trace des travaux qui servent de fondements aux leurs. Ampère fut un pionnier ! Il fut plus encore ! Il mérita un autre titre que lui donna une voix bien éloquente. Le jour de ses obsèques, le savant et spirituel M. Hauréau se sentit tout à coup saisir vivement le bras par un homme d’une quarantaine d’années, qui lui dit avec un accent de conviction passionnée : « Monsieur, celui que nous venons d’ensevelir là était un grand citoyen ! » Qui parlait ainsi ? Montalembert.
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