tout penauds ; c’est nous qui avions l’air d’avoir été sifflés. »
En dépit de ses chutes, les comédiens, ces fidèles courtisans du succès, se reprenaient toujours à espérer en lui. Talma joua un de ses derniers ouvrages, Jane Shore, et l’histoire de cette pièce est elle-même presque une pièce.
Lemercier n’avait pas hésité à représenter Richard III bossu, difforme, paralysé d’un bras, et il ne se contenta pas d’indiquer à l’acteur l’esprit du rôle, il lui donna des leçons de difformité.
Disgracié comme Richard III, il prit sa main même comme sujet de démonstration, il en enseigna à Talma les habitudes, les attitudes, les inerties, les essais de mouvement, et Talma se livra si ardemment à cette étude qu’il en contracta une douleur violente et tenace dans les muscles de l’épaule. Ce n’est pas tout : Lemercier lui fit voir en même temps par sa propre personne, comment l’élégance, la grâce, la distinction peuvent s’allier dans le même homme à la difformité. Aussi, Talma, saisissant avec génie ce double caractère, se promenait dans le drame avec la souplesse tortueuse du tigre (ce sont les paroles mêmes de Lemercier), affreux sans être vulgaire, et gardant même dans ses plus sombres férocités quelque chose du prince et de l’homme de cour. A la seconde représentation, il en donna une preuve frappante. Il était en scène avec Alicia et l’accablait des menaces les plus effroyables, quand tout à coup le bracelet de l’actrice se détache par hasard et tombe. Talma immédiatement interrompt sa fureur, se baisse,