dans nos pensées, et, les voyant ainsi en nous et devant nous, embrassant d’un regard leurs qualités à la fois si diverses et si semblables, nous nous disions : « Évidemment ces deux êtres-là ne sont que les deux parties d’un même tout. »
Nous résolûmes donc de les rapprocher, nous fiant à la Providence pour achever l’ouvrage, si cet ouvrage était conforme à ses desseins. Seulement, je connaissais l’humeur sauvage de mon solitaire ; il s’agissait de ne pas l’effaroucher, et une première lettre, toute simple, lui demanda d’abord de nous accorder quelques jours dans notre petite demeure de campagne. Sa réponse n’était pas de nature à m’encourager.
« La peine que je prends, me répondit-il, pour me discipliner de nouveau (il revenait d’un court voyage) à ma vie solitaire, se trouverait toute perdue à mon retour. Voici que je commence à rentrer dans mon stoïcisme comme un guerrier dans son armure, et vous me conviez déjà à en sortir. Croyez-vous que ce soit un vêtement si commode, qu’on puisse le vêtir et le quitter comme sa robe de chambre ? Il m’est utile ; mais il n’est pas doux ; ne m’attendez donc pas, cher ami. »
Cette lettre me détermina. Je lui écrivis notre dessein. Deux réponses, envoyées coup sur coup, me montrèrent le trouble de son âme. J’en citerai quelques courts fragments avec la réserve qu’impose un tel sujet.
Le première n’est qu’une suite de phrases entrecoupées et comme de cris : « Votre lettre me frappe, me trouble, je n’ose dire m’épouvante. La main me tremble d’une façon extraordinaire. Je m’effraye de me voir trembler ainsi ! La chose me touche donc bien à fond ! »