anatomiste le poursuivant près d’elle, son regard devient comme un scalpel. Malgré lui, l’œil fixé sur ce cher visage, il le dépouille de son teint, de sa fraîcheur ; malgré lui il cherche, il suit sous ces chairs éclatantes le jeu des fibres, des muscles, des nerfs ; il les dissèque ; il fait de cette tête charmante une tête de squelette. Épouvanté, il veut chasser cette vision et s’enfuir ; mais, à peine revenu le lendemain en face de celle qu’il aimait, cet infernal travail de dissection recommence. Alors, saisi de rage, il jette là cette affreuse science qui tuait l’amour en lui, et consacre ses ressentiments dans le poème de la Panhypocrisiade, en les prêtant à Copernic.
Copernic exprime ainsi le dégoût qui l’a arraché à la médecine et l’a poussé vers l’astronomie :
J’ai trop souvent au sein d’une victime humaine
Cherché par où l’artère est unie à la veine,
Et n’ai trouvé dans l’homme, au grand jour dépouillé,
Qu’un labyrinthe obscur où je me suis souillé.
J’ai reculé, j’ai fui ce néant de moi-même,
Et, me réfugiant dans la raison suprême,
J’ai repoussé cet art qui m’offrait trop souvent
L’aspect de l’homme éteint dans l’homme encor vivant.
Comme Copernic, M. Lemercier se réfugia dans la raison suprême, c’est-à-dire dans l’art, et l’art ne tarda pas à l’en récompenser largement.
Tout grand artiste a un moment d’éclosion, je dirais volontiers d’explosion, où son talent sort tout à coup des limbes, éclate et s’empare en maître de l’attention des hommes. Le Cid et Andromaque ont marqué pour