avait sauvé l’auteur. Ce qui me charma et me flatta, car quelque temps auparavant, après avoir entendu M. Guizot à la tribune, elle s’était écriée : « Que j’aimerais à jouer la tragédie avec cet homme-là ! » Le lendemain, à onze heures précises, j’entrais chez Scribe. « Eh bien, me dit-il d’un air goguenard, où en êtes-vous ? » Pour toute réponse, je tirai un papier de ma poche et je lui lus tout haut : « Comédie-Française, aujourd’hui à midi, répétition d’Adrienne Lecouvreur.
— Hein ? s’écria-t-il.
Je lui contai tout, et dès le lendemain commença le sérieux travail des répétitions.
J’y appris beaucoup.
Tous les jours j’arrivais chez Mlle Rachel à dix heures, soit avec Scribe, soit seul, quand Scribe était retenu par la mise en scène du Prophète, et, jusqu’à onze heures et demie, nous étudiions l’acte qui devait être répété au théâtre à une heure. La pièce fut montée en vingt-huit jours, et pas un seul de ces jours ne se passa sans ce double travail du matin et de l’après-midi. C’est là que j’appris à admirer tout ce qu’il y avait chez Mlle Rachel de laboriosité, de perspicacité, de talent d’assimilation, de modestie et d’agrément dans les relations. Pas la moindre vanité de grande artiste, pas le plus petit caprice d’enfant gâté du succès ; toute à son art, et tout pour son art. Elle écoutait, discutait, se rendait dès qu’elle était convaincue, mais ne se rendait qu’après conviction. En voici un exemple assez frappant. Ceux qui l’ont entendue dans Adrienne, se rappellent qu’un des plus grands effets du cinquième acte était un certain… «