plus, elle épousa Hahnemann qui avait quatre-vingts ans ! Elle devint alors aussi révolutionnaire en médecine qu’elle avait été classique en littérature et en peinture. Son culte allait jusqu’au fanatisme. Un jour que je me plaignais devant elle de l’infidélité d’un de nos domestiques que nous avions été obligés de renvoyer : « Que ne me l’avez-vous dit plus tôt ? me répondit-elle, nous avons des médicaments pour cela. » Ajoutons qu’elle était d’une intelligence vraiment rare, et d’une touchante adresse de garde-malade. Personne qui s’entendît mieux qu’elle à inventer mille moyens de soulagement pour les pauvres patients. Elle joignait à la pieuse ardeur d’une sœur de charité toute la délicatesse ingénieuse d’une femme du monde. Ses soins pour Hahnemann étaient admirables. Il mourut comme il devait mourir. Jusqu’à quatre-vingt-quatre ans, il resta la plus éloquente démonstration de la bonté de sa doctrine. Pas une infirmité. Pas une défaillance d’intelligence, ni de mémoire. Son régime était simple, mais sans rigueur affectée. Il ne buvait jamais ni eau pure, ni vin pur. Quelques cuillerées de vin de Champagne, dans une carafe d’eau, faisaient son unique boisson, et comme pain, il mangeait chaque jour un petit baba, « Mes vieilles dents, disait-il, trouvent cela plus tendre. » Pendant l’été, il revenait à pied, tous les soirs où il faisait beau, de l’Arc de Triomphe, et s’arrêtait à Tortoni pour prendre une glace. Un matin en s’éveillant, il se trouva moins bien disposé qu’à l’ordinaire. Il se prescrivit un médicament et dit à sa femme : « Si ce remède ne réussit pas, ce sera grave. » Le lendemain
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