— A aucun prix.
— Eh bien, je me charge, repris-je, d’aller dire à Arago que nous retirons la pièce. »
Le lendemain matin, à dix heures, je frappe à la porte d’Arago. Je suis reçu par sa cuisinière.
« Monsieur est au bain.
— Puis-je lui écrire ?
— Voici du papier, monsieur. »
J’écris :
« Mon cher Directeur,
Cette lettre vous fera voir ce que vous n’avez probablement jamais vu dans le cours de votre direction ; deux auteurs, ayant trouvé leur pièce si mauvaise à la répétition qu’ils la retirent. Veuillez regarder notre Soleil couchant comme un soleil couché.
Bien à vous,
E. Legouvé. »
Je cours chez Goubaux et nous nous embrassons de joie comme deux gens sortis d’un cauchemar.
Le surlendemain, je sort le matin à onze heures, je passe devant une affiche. Qu’est-ce que je lis ? Ce soir, première représentation, Le Soleil couchant.
Je vis luire cent mille chandelles comme si le soleil lui-même me fût entré dans les yeux. Je cours chez Arago. La même cuisinière vient m’ouvrir, et en m’apercevant, pousse un grand cri. « Ah, bon Dieu ! Monsieur, j’ai oublié de remettre votre lettre. La voici, ne dites rien à monsieur, vous me feriez gronder. » Le mal était fait, le sort en était jeté, il n’y avait plus qu’à se résigner,