son nom : égoïste et méchant. Égoïste comme homme, méchant comme critique.
Examinons ce grand et double reproche. Oui, sans doute, il était très occupé de lui-même, mais il trouvait le temps, j’en parle par expérience, de s’occuper ardemment des autres, de s’intéresser à tout ce qui intéressait ses amis, de s’émouvoir de leurs chagrins, de s’associer à leurs joies ; c’était le plus reconnaissant des hommes, et s’il se souvenait quelquefois du mal, il se souvenait toujours du bien. Hetzel et moi, nous eûmes le plaisir de lui rendre un léger bon office. Il l’écrit dans ses mémoires en lettres d’or comme s’il s’agissait d’une bonne action, et il nous a donné, en remerciements, cent pour cent de notre argent, comme s’il ne nous l’avait pas remboursé. Sa reconnaissance a été un jour jusqu’à l’héroïsme. En 1848, M. Ch. Blanc, chargé de la direction des beaux-arts, fait donner à Berlioz par le ministère une marque de sympathie et d’estime. Vingt ans après, vingt ans pendant lesquels le protégé et le protecteur s’étaient à peine rencontrés, M. Ch. Blanc, candidat au titre d’académicien libre, se présente chez Berlioz. Il le trouve mourant.
« Je sais pourquoi vous venez, lui dit Berlioz.
— Ne parlons pas de cela, reprit vivement le candidat, j’ignorais absolument votre état de souffrance ; ne parlons pas de cela, je me retire.
— Restez, et parlons-en. J’irai à l’Académie pour vous.
— Malade comme vous l’êtes… mon cher Berlioz… permettez-moi de vous dire que je vous le défends !