même. J’en éprouvais une sorte de honte. Puis, comment travailler ? Dès que je me mettais à m’observer, je cessais d’être distrait, je n’avais plus rien du distrait ; aussitôt que je commençais mon étude, l’objet de mon étude disparaissait. »
Rubini complète Lablache parce qu’il représente autre chose que lui. Une partie de l’art italien est morte aussi avec Rubini. La grande école de chant de Crescentini, l’école de virtuosité, a perdu en lui son dernier interprète.
Rien de plus rare aujourd’hui que la virtuosité chez les ténors italiens ; ils n’en ont pas besoin. La musique italienne moderne, la musique de Verdi, ne leur demande que de l’âme et du son. Il n’en était pas ainsi du temps de Rubini. Un chanteur ne pouvait pas plus se passer de virtuosité, qu’un pianiste. Les traits, les trilles, les gammes, étaient imposés au gosier comme au clavier, et les artistes supérieurs, tels que Rubini, y trouvaient non seulement une grâce et un ornement pour le chant, mais un puissant moyen d’expression. Certains artistes, Berlioz entre autres, blâment dans le chant les vocalises comme incompatibles avec la vérité et la force du sentiment. Mais que font donc Mozart, Beethoven, Weber dans leurs compositions de piano ? Est-ce qu’ils ne vous émeuvent pas avec des gammes ? Est-ce qu’ils ne vous électrisent pas avec des traits ? Otez au concerto Stuck et à la sonate pathétique leurs virtuosités, et vous leur enlevez du même coup la moitié de leur puissance expressive. Pourquoi donc ce qui convient à une sonate, ne conviendrait-il pas à un air ?