un des traits caractéristiques de cette nature étrange était d’envelopper toutes ses audaces dans je ne sais quelle grâce souple, légère et naturelle. On sentait que l’impossible était son domaine, elle s’y jouait.
III
Les artistes ne ressemblent pas toujours à leur talent, et si différentes parfois sont leur imagination et leur âme, qu’on dirait deux sœurs qui ne sont pas du même lit. Corneille n’était héroïque qu’en vers ; Talma était, dit-on un peu pusillanime ; chez Maria Malibran, la cantatrice et la femme ne faisaient qu’un, du moins en face du danger. Même audace dans la vie et dans l’art. Je l’accompagnais avec quelques amis, la première fois qu’elle est montée à cheval. Dans le cours de la promenade, se rencontra, sur un des côtés de la route, un large fossé. Quand on est le cavalier d’une femme comme elle, on fait volontiers montre de son adresse, Un de nos amis, sportsman accompli, franchit légèrement le fossé.
« Je veux le franchir aussi ! dit aussitôt la Malibran.
— Mais vous ne savez pas sauter, madame.
— Apprenez-le-moi.
— Mais votre cheval reculera devant cet obstacle.
— Le vôtre l’a bien franchi.