rivale, dans l’emploi des grands rôles tragiques, une jeune fille d’une beauté admirable et dont les début avaient été éclatants, Mlle Georges. Ajoutez que Mlle Georges était protégée, elle, non par un simple ministre, mais par le Maître suprême. On prétendait même, je tiens le fait de M. Brifaut, fort au courant de toutes les choses de ce temps, qu’après son début, elle fut si remarquée par l’impérial spectateur, qu’il lui fit donner des leçons de toute sorte, comme M. Chaptal avait fait donner des leçons de déclamation à Mlle Duchesnois. On voit que les questions d’éducation n’étaient pas négligées sous le gouvernement impérial.
Le jour des débuts de Mlle Duchesnois, fut un jour de bataille. On échangea des cartels à l’orchestre. La salle était partagée en deux camps. Le parti de la laide contre le parti de la belle ! Qui le croirait ? Ce fut la laide qui l’emporta. Il est vrai qu’elle monta sur la scène, transfigurée. La pauvre fille n’était si maigre et si noire que parce qu’elle ne mangeait pas assez. Six mois de bonne nourriture, développant sa superbe taille, lui donnèrent un air de déesse marchant sur les nues. Si sa bouche était affreuse, ses yeux étaient admirables ! Elle n’avait, il est vrai, nulle instruction, nulle éducation, mais une âme, un emportement qui remplaçait tout. Avouons-le cependant, son ignorance dépassait les limites de la vraisemblance. C’est elle qui, entendant une de ses camarades parler de son voyage à Troyes, lui dit vivement :
« Troie ! Vous connaissez Troie ! Que vous êtes heureuse ! Moi qui en parle dans tous mes rôles, je n’y ai jamais été ! »