le monde a besoin d’entendre et ce que personne ne dit. Or, d’où vint l’immense succès du Mérite des femmes ? De ce que ce petit poème fut comme l’écho de la conscience publique. On sortait de la Révolution et de la Terreur. Les femmes y étaient apparues sublimes de dévouement, de courage, de vertus. L’âme de tous était comme tourmentée d’un vague besoin de reconnaissance, d’admiration pour ces héroïnes et ces martyres, et quand tout à coup on vit un jeune homme, rompant à la fois avec les vieilles épigrammes et les vieux madrigaux, renier également Boileau et Dorat, substituer aux faveurs du dix-huitième siècle et aux satires du dix-septième, l’éloge sérieux des mérites et des devoirs de la femme, peindre en elle l’épouse, la fille, la sœur, la mère, une immense acclamation répondit au cri du poète. L’impression fut si vive qu’elle dure encore. Qui, en dépit de quelques élégances de style un peu démodées, il reste plus qu’un simple nom, de ce poème. Aujourd’hui encore il s’en refait sans cesse quelque édition nouvelle ; aujourd’hui encore, dans la bourgeoisie, le fiancé, parmi les cadeaux offerts à sa fiancée, dépose souvent au fond de la corbeille de mariage un exemplaire du Mérite des femmes. On peut dire enfin que ces questions qui nous agitent si fortement aujourd’hui, l’éducation des femmes, l’amélioration du sort des femmes, les revendications des droits légitimes des femmes, ont eu pour premier point de départ le Mérite des femmes. Nous tous, défenseurs de cette cause, nous n’avons fait que réclamer légalement ce qu’il avait proclamé poétiquement, nous avons demandé en
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