penser à Alceste. On riait de lui comme d’Alceste ; on l’aimait comme Alceste ; il m’a fait comprendre la façon dont il faut jouer ce rôle d’Alceste, pour y être toujours comique, sans cesser d’être sympathique. Je me rappelle un mot de lui, qui peint tout l’imprévu de cet esprit. Il était assis sur un petit canapé, entre sa fille et un étranger, qui l’accablait de louanges hyperboliques ! Il se retourne vers sa fille, et lui dit : « Tu entends ce que monsieur dit de moi, eh bien, ma chère, j’en pense cent fois davantage. »
La vie littéraire de M. de Jouy se résume en trois dates, qui à leur tour se résument en trois noms : la Vestale, l’Ermite de la Chaussée-d’antin, Sylla.
Sylla fut un des plus grands succès de théâtre du siècle. On a prétendu que ce fut un succès de perruque, parce que Talma y paraissait avec la mèche napoléonienne sur le front. Je renvoie ces détracteurs aux paroles d’Alexandre Dumas, qui, le jour des obsèques de M. de Jouy, fit, sans titre officiel, le voyage de Paris à Saint-Germain, pour venir vanter, sur cette tombe, la nouveauté hardie du cinquième acte de Sylla. Je voudrais ajouter à cet éloge deux traits significatifs du talent de Talma. Le quatrième acte était fondé sur une scène dont l’auteur et l’acteur espéraient beaucoup et avaient grand’peur. Sylla s’endort, et au milieu de son sommeil, toutes ses victimes se dressent devant lui comme les terribles fantômes du Richard III de Shakespeare ! On comptait que ce somnambulisme du remords produirait un effet immense avec Talma. Mais là se présentait une difficulté d’exécution, et un danger : Comment