comme moi, les gourmandant avec une malice paternelle s’il leur trouvait la mine un peu pâle, leur indiquant des lectures, leur faisant des critiques ingénieuses et toujours vraies. « Que je vous gronde, me dit-il un jour, à propos d’un passage de votre pièce couronnée. En comparant aux révolutions antiques produites soudainement par la parole, les révolutions du monde moderne produites lentement par les écrits, vous dites :
Ce tonnerre tardif, et gros de tant d’orages,
Emporte et détruit tout dans ses brûlants ravages.
Votre premier vers est excellent, c’est un mot trouvé que le tonnerre tardif, mais le second vers est commun et déclamatoire. Il me fait l’effet d’un chapeau de vieille femme mis sur la tête d’une jeune fille. Changez-moi ce vers-là pour la lecture publique. »
Ses conseils se résumaient parfois en un précepte court et profond. « Dans l’art, me disait-il, il s’agit moins de corriger les défauts que de développer les qualités. C’est le système des grands médecins : ils guérissent les organes faibles en fortifiant les organes forts. Ils chargent la santé de combattre la maladie. De même dans l’art, c’est à la vie à tuer la mort, c’est aux qualités à étouffer les défauts. »
Tout à coup, ce rôle charmant de M. Villemain auprès de la jeunesse cesse brusquement. 1830 arrive. La révolution éclate. Une nouvelle carrière s’ouvre pour lui. Aux fonctions littéraires succèdent les fonctions