De mon triste destin tu pourras disposer. »
Le vainqueur, attendri, n’ose la refuser.
Lui-même de la tombe il fait lever la pierre.
Il sort, ivre d’espoir. L’auguste prisonnière
S’élance, sans pâlir, près de ce corps glacé ;
Et, d’un sein amoureux l’ayant encor pressé,
Elle attire sur soi, de ses mains assurées,
La pierre qui couvrait des dépouilles sacrées ;
Et, s’écrasant du poids sur sa tête abattu,
Du tombeau d’un époux protège sa vertu.
Que ne peut le devoir sur ces âmes fidèles !
Eh ! pourquoi loin de nous en chercher les modèles ?
Naguère, en nos climats, lorsque de tout côté
Pesait des décemvirs le sceptre ensanglanté,
N’ont-elles pas prouvé par mille traits sublimes
Combien leurs sentiments les rendent magnanimes ?
La peur régnait partout : plus de cœurs, plus d’ami ;
Le Français du Français paraissait l’ennemi ;
Chacun savait mourir, nul ne savait défendre.
Elles seules, d’un zèle ingénieux et tendre,
Pour détourner la mort qui nous menaçait tous,
Osèrent des tyrans aborder le courroux.
Celle-ci, dès l’aurore au repos arrachée,
Attendait leur présence, à leur porte attachée ;
Celle-là, d’un geôlier insensible à ses pleurs
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