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Son œil préoccupé ne suit que sa conquête.
Vient-il chercher, sans elle, au lever d’un beau jour,
Le doux exil des champs, lieu plus cher à l’amour ;
Chaque objet la lui rend : l’éclat des dons de Flore,
C’est l’éclat de ce teint que la pudeur colore ;
L’azur du firmament par l’aurore éclairé,
C’est l’azur des beaux yeux dont il est enivré ;
Le rayon du matin, c’est la douce lumière
Qui luit si tendrement sous leur longue paupière ;
Le murmure flatteur des limpides ruisseaux,
Le souffle des zéphyrs, le concert des oiseaux,
C’est le son de la voix qui répond à son âme :
Tout l’univers enfin l’entretient de sa flamme.
Pour lui plus de langueurs, plus de maux, plus d’ennuis,
L’amour remplit, enchante et ses jours et ses nuits :
Il n’a qu’un seul objet qui l’occupe et l’embrase ;
Et son heureuse vie est une longue extase.

Un tel sort n’appartient qu’aux cœurs vraiment épris.
L’homme, hélas ! trop souvent en méconnaît le prix ;
Il cède à l’inconstance, et, semblable à l’abeille
Qui, cherchant des jardins l’odorante corbeille,
Dans son vol passager, des plus brillantes fleurs
Pompe légèrement le suc et les couleurs,
Il court de belle en belle, et ses ardeurs errantes
Lui livrent tour à tour vingt Grâces différentes.