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de Rousseau. Oserai-je ajouter ici un souvenir personnel ? Je me rappelle qu’entrant, il y a quelque années chez une jeune femme de mes amies, je la trouvai un livre à la main et riant aux larmes.

― Eh ! lui dis-je, quel est donc l’heureux auteur qui vous met ainsi en gaieté ?

Elle me tendit le volume ; c’était la Nouvelle Héloïse.

Voilà la condamnation sans appel de l’Héloïse de Rousseau. Pour nos jeunes femmes, elle est devenue comique.

Je ne parlerai pas des Confessions avec cette irrévérence. Si Rousseau n’avait pas écrit ce livre, il manquerait quelque chose à sa gloire et à la nôtre. Rien de plus génial n’est sorti de sa plume. Les descriptions, les récits, les portraits, les scènes s’y succèdent avec une variété absolument délicieuse. Et pourtant, malgré tant de beautés de premier ordre, les Confessions restent une œuvre malsaine et pernicieuse. Elle a fait beaucoup de mal dans son temps, elle en fait encore dans le nôtre. Le titre même est un scandale. Il défigure le noble mot de confession. Confession veut dire humilité. Les Confessions de Rousseau sont un monument d’orgueil. Confesser ses fautes, c’est