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et pratiques y abondent avec une telle profusion qu’on peut dire hardiment que c’est un chef-d’œuvre.

Je ne m’arrêterai qu’à un seul point ; d’abord parce qu’il est peut-être le plus original, puis parce qu’il en reste encore quelque chose aujourd’hui.

Rabelais et Montaigne avaient, bien avant Rousseau, donné une grande place dans leurs plans d’éducation au développement de l’adresse et de la vigueur corporelles. Rousseau, avec sa fougue impétueuse et sa hardiesse d’initiative, fit un pas de plus ; il mit un outil dans la main de son élève. Il lui donna un état manuel. Il fit d’Émile un menuisier. Ce fut un sursaut général. Imiter Émile devint une mode parmi les jeunes gentilshommes. Ils étaient enchantés de jouer à l’ouvrier. Mais bientôt les événements se chargèrent de leur apprendre que le jeu pouvait devenir une occupation sérieuse. Vint la Révolution, vint l’émigration, et force fut bien aux jeunes émigrés de convenir qu’il pouvait y avoir, même pour eux, un autre métier que le métier des armes. Pendant que les jeunes duchesses ou marquises s’improvisaient modistes, couturières, lingères, et se fiaient pour vivre à l’adresse de leurs dix doigts, les